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<< honnêtes gens que de se mêler des affaires pu. « bliques 1.... Le vrai service du public est une entre

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prise d'un si grand labeur et d'un si grand souci, qu'un homme bon et sage, quoiqu'il puisse ne point « la refuser s'il y est appelé par son prince ou par son « pays, et s'il croit pouvoir y rendre des services plus qu'ordinaires, doit pourtant ne la rechercher que « rarement ou jamais, et la laisser le plus communé« ment à ces hommes, qui, sous le couvert du bien <«< public, poursuivent leurs propres visées de richesse, de pouvoir et d'honneurs illégitimes 2. Voilà de quel air il s'annonce. Sa personne ainsi présentée, il en vient à parler du jardinage qu'il pratique, et d'abord des six grands Épicuriens qui ont illustré la doctrine de leur maître, César, Atticus, Lucrèce, Horace, Mécène, Virgile; puis des diverses espèces de jardins qui ont un nom dans le monde, depuis le paradis terrestre et le jardin d'Alcinoüs jusqu'à ceux de Hollande et d'Italie, tout cela un peu longuement, en homme qui s'écoute et qu'on écoute, qui fait un peu amplement à ses hôtes les honneurs de sa maison

1. But, where factions were once entered and rooted in a state, they thought it madness for good men to meddle with public affairs. (P. 203, 206, 191, t. III.)

2. But the true service of the public is a business of so much labour and so much care, that though a good and wise man may not refuse it, if he be called to it by his prince or his country, and thinks he can be of more than vulgar use, yet he will seldom or never seek it, but leaves it commonly to men who, under the disguise of public good, pursue their own designs of wealth, power, and such bastard honours as usually attend them, not that which is the true, and only true reward of virtue.

et de son esprit, mais qui fait tout cela avec agrément et dignité, sans air doctoral, ni morgue, en tons variés, et en modulant comme il faut ses gestes et sa voix. Il conte qu'il a importé quatre espèces de raisins en Angleterre, il avoue qu'il a trop dépensé; cependant il ne le regrette pas; depuis cinq ans il n'a pas eu envie une seule fois d'aller à Londres. Il mêle les anecdotes aux conseils techniques; il y en a une sur le roi Charles II, qui a loué le climat de l'Angleterre par-dessus tous les autres, disant que c'est celui où l'on peut rester en plein air sans malaise le plus de jours dans l'année; sur l'évêque de Munster, qui, ne pouvant avoir dans son verger que des cerises, en avait rassemblé toutes les espèces et si bien perfectionné les plants qu'il pouvait en manger depuis mai jusqu'en septembre. Le lecteur se réjouit intérieurement quand il entend un témoin oculaire conter des détails intimes sur de si grands personnages. Notre attention s'éveille à l'instant; nous nous croyons, par contre-coup, gens de cour, et nous sourions avec complaisance; peu importe que ces détails soient minces; ils font bien, ils sont comme un geste aristocratique, comme une façon noble de prendre du tabac ou secouer la dentelle de sa manchette. Voilà l'intérêt de la belle conversation de cour; elle peut rouler sur des riens; l'excellence des façons donne à ces riens un charme unique; on écoute le son de la voix; on est amusé par des demi-sourires; on se laisse aller au courant facile; on oublie que ces idées sont ordinaires; on regarde le conteur, sa rhingrave, sa canne

dont il joue, ses souliers à rubans, sa démarche aisée sur le sable nivelé de ses allées, entre ses charmilles irréprochables; l'oreille, l'esprit lui-même sont flattés, séduits par la justesse de la diction, par l'abondance des périodes ornées, par la dignité et l'ampleur d'un style dont la régularité est devenue involontaire, et qui, artificiel d'abord comme le savoir-vivre, finit, comme le vrai savoir-vivre, par se changer en besoin sincère et en talent naturel.

Par malheur, ce talent conduit parfois aux balourdises; quand on parle bien de tout, on se croit le droit de parler de tout. On s'érige en philosophe, en critique, même en érudit; et on l'est en effet, au moins pour les dames. On écrit, comme sir William, des Essais sur le gouvernement, sur la Vertu héroïque1, sur la poésie, c'est-à-dire de petits traités sur la société, sur le beau, sur la philosophie de l'histoire. On est un Locke, un Herder, un Bentley de salon, rien autre chose. Parfois, sans doute, l'esprit naturel rencontre de bons jugements neufs : Temple, le premier, trouve un souffle pindarique dans le vieux chant de Regnard Lodbrog, et met le Don Quichotte au premier rang parmi les grandes œuvres de l'invention moderne; de même encore lorsqu'il touche un sujet de sa compétence, par exemple les causes de la puissance et de la décadence des Turcs, il raisonne à merveille. Mais pour le reste il est écolier; même, chez lui, le pédant

1. Comparez cet essai à l'ouvrage de Carlyle; c'est le même titre et le même sujet, et il est curieux d'y voir la différence des deux siècles.

perce, le pire des pédants, celui qui, ne sachant pas, veut paraître savoir, qui cite l'histoire de tous les pays, allègue Jupiter, Saturne, Osiris, Fo-hi, Confucius, Manco-Capac, Mahomet, et disserte sur toutes ces civilisations si mal débrouillées, si inconnues, comme s'il les avait étudiées solidement, dans les sources, lui-même, et non pas sur des extraits de son secrétaire ou dans les livres de seconde main. Un jour l'entreprise tourna mal; ayant voulu prendre part à une querelle littéraire, et réclamer la supériorité pour les anciens contre les modernes, il se crut helléniste, antiquaire, raconta les voyages de Pythagore et l'éducation d'Orphée, fit remarquer que les anciens sages de la Grèce << étaient communément d'excellents poëtes «<et de grands médecins; si versés dans la philosophie naturelle, qu'ils présidaient non-seulement les éclipses dans le ciel, mais les tremblements de terre et les tempêtes, les grandes sécheresses et les grandes pestes, l'abondance ou la rareté de telles « sortes de fruits ou de grains 1,» talents admirables et que nous ne possédons plus aujourd'hui. Outre cela il regretta la décadence de la musique « qui autrefois enchantait les hommes, les bêtes, les oiseaux, les « serpents, au point que leur nature même en était

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1. They were commonly excellent poets, and great physicians : they were so learned in natural philosophy, that they foretold not only eclipses in the heavens, but earthquakes at land, and storms at sea, great droughts, and great plagues, much plenty or much scarcity of certain sorts of fruits or grain; not to mention the magical powers attributed to several of them, to allay storms, to raise gales, to appease commotions of people, to make plagues cease.

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« changée1. » Il voulut énumérer les plus grands écrivains modernes et oublia dans son catalogue, « parmi «<les Italiens, Dante, Pétrarque, l'Arioste et le Tasse;

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parmi les Français, Pascal, Bossuet, Molière, Corneille, Racine et Boileau; parmi les Espagnols, Lope << et Calderon; parmi les Anglais, Chaucer, Spencer, « Shakspeare et Milton; en revanche il y inséra Paolo Sarpi, Guevara, sir Philip Sidney, Selden, Voiture et Bussy-Rabutin, « auteur des Amours de Gaul. Pour tout combler, il déclara authentiques et admirables les fables d'Ésope, cette pesante rédaction byzantine, et les lettres de Phalaris, cette méchante fabrication sophistique; deux ouvrages, selon lui, qui, étant les plus anciens dans leur genre, sont « aussi les meilleurs dans leur genre. » Enfin, pour s'enferrer lui-même sans remède, il remarqua gravement que sans doute quelques savants, du moins << de ceux qui passent pour tels sous le nom de critiques, n'avaient point estimé ces lettres authentiques; mais qu'il fallait être un bien médiocre peintre pour ne point y reconnaître une peinture originale. Une telle diversité de passions dans une telle variété d'actions et de circonstances de la vie

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1. What are become of the charms of music, by which men and beasts, fishes, fowls and serpents, were so frequently enchanted, and their very natures changed; by which the passions of men were raised to the greatest height and violence, and then as suddenly appeased, so as they might be justly said to be turned into lions or lambs, into wolves or into harts, by the powers and charms of this admirable art?

2. Macaulay, Essai sur William Temple.

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