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quence d'un événement fortuit qui a modifié le langage, jusqu'alors uniforme, dans les familles humaines. Ces trois divisions sont autant de points culminants autour desquels viennent se grouper tous les résultats présentés par M. Wiseman. Il a eu ses raisons pour ne pas suivre l'ordre naturel des événements, tels que nous venons de l'indiquer. Comme ce n'était point un livre qu'il avait d'abord l'intention de faire, mais seulement des discours qu'il adressait à un auditoire choisi, pour montrer sous quel point de vue il fallait considérer les sciences, afin de faire voir leurs rapports avec l'Ecriture-Sainte, il a commencé par l'étude comparée des langues, la linguistique, l'éthnographie, science plus gé néralement répandue, et que plusieurs de ses auditeurs avaient cultivée avec succès.

Il consacre ses deux premiers discours à l'examen de cette science. Le premier en contient l'historique, et il fait voir l'impossibilité de jamais retrouver le langage primitif, en supposant même qu'il ait pu se conserver intact jusqu'au moment de la dispersion, après la confusion de Babel. Cette recherche, à laquelle on s'était d'abord livré avec ardeur, a été abandonnée pour former des collections de mots; car on a senti de bonne heure que ce n'était que la comparaison des langues qui pourrait donner un résultat; on a donc fait des classifications, et Leibnitz a aussi éclairé ce travail des lumières qu'il savait répandre sur tous les sujets qu'il traitait. Le résultat des premières classifications a fait craindre que cette recherche ne fût plus nuisible qu'utile à l'authenticité des livres saints. On trouvait beaucoup de langues indépendantes qu'on ne pouvait rapporter à aucun des types connus; dès-lors on ne pouvait plus soutenir l'unité de la race humaine. Heureusement que des travaux subséquents firent découvrir les liens par lesquels on pouvait rattacher ces prétendues langues primitives aux groupes déjà formés, c'est-à-dire l'indo-européen, le sémitique et le malay.

Ces résultats obtenus, M. Wiseman développe dans le second discours les méthodes que l'on a suivies pour y arriver. Deux écoles se sont formées : l'une se fonde exclusivement sur la comparaison des mots et surtout de leurs racines, l'autre sur les formes grammaticales. A mesure que les partisans de l'une ou de l'autre de ces méthodes multiplient leurs travaux, les différences qui

les séparaient s'effacent de plus en plus, et il y a lieu de croire que bientôt elles se confondront dans quelque grande découverte. Une question des plus importantes domine toute cette discussion sur les langues; c'est celle de leur origine, ou plutôt de l'origine du langage; et, au lieu de penser que les langues s'en vont se développant graduellement suivant les besoins croissants des peuples qui les parlent, l'auteur, appuyé sur l'autorité de G. de Humboldt, croit au contraire que, « par quelque procédé mystérieux de la << nature, les langues ont été, en quelque sorte, jetées en moule, « mais en moule vivant, d'où elles se dégagent avec toutes leurs <«< belles proportions, et ce moule est l'esprit de l'homme................... — « La parole, dit encore G. de Humboldt, est inhérente à l'hom« me..... Le langage n'a pu être inventé sans un type préexistant << dans l'intelligence humaine.................... Et plutôt que de croire à une <«< marche uniforme et mécanique qui les traînerait pas à pas de

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puis le commencement le plus grossier jusqu'à leur perfection«< nement, j'embrasserais l'opinion de ceux qui rapportent l'ori«<gine des langues à une révélation immédiate de la Divinité. <«< Ils reconnaissent au moins l'étincelle divine qui luit à travers << tous les idiomes, même les plus imparfaits et les moins cul« tivés. >>

Le raisonnement n'offre aucun moyen de résoudre la difficulté qui se présente ici : comment la première modification a-t-elle pu s'introduire dans la langue unique que parlait l'espèce humaine avant la dispersion de Babel? Si l'on compare entre elles les trois grandes familles dont chacune résume par un caractère spécial les groupes qui la composent, on reconnaît trois sœurs issues d'une mère commune, sans qu'aucune puisse réclamer le droit de primogéniture; et par les signes qui restent des anciens points d'attache qui les unissaient, on voit que la rupture n'a pas été lente et graduelle, mais brusque et inopinée; telle enfin que l'aurait dû produire l'événement miraculeux raconté par Moïse.

Pendant longtemps tous les savants ethnographes ne se sont occupés que des langues de l'ancien monde, ou plutôt du monde connu des anciens; mais il restait une tâche en apparence difficile à remplir, c'était de ramener aux types connus les langues de l'intérieur de l'Afrique et les dialectes sans nombre de l'hémisphère occidental. En effet, au premier aperçu, tous les idiomes

de l'Amérique sont l'image de la plus parfaite confusion. Comme aucune de ces langues n'est écrite, la plus légère altération dans la prononciation suffit pour faire perdre la trace de la filiation. Mais, en comparant les vocabulaires recueillis par les missionnaires et les voyageurs, on est parvenu à former de tous ces membres épars un petit nombre de groupes, qui eux-mêmes se rattachent très-naturellement aux langues de l'Asie. Les traditions que rapporte le docteur Wiseman sur les migrations des premiers colons qui sont venus s'établir en Amérique, concourent à confirmer le résultat obtenu par l'examen des dialectes. La religion que les Incas ont établie, les monuments qu'ils ont élevés, ne permettent pas de douter qu'ils ne fussent originaires du Thibet ou de la Tartarie. Les cycles astronomiques que l'on a trouvés chez les Toltèques, les Aztèques et d'autres nations du Mexique, ainsi que les noms des jours de leurs mois, sont les mêmes que ceux dont se servent les Chinois, les Japonais, les Kalmoucks et les Mantchoux. Les peintures grossières où ils représentaient Tezpi ou Coxcox, leur Noé, se sauvant du déluge dans une arche flottant sur les eaux, avec tous les détails plus ou moins défigurés de la narration de Moïse, sont une preuve péremptoire de leur descendance des nations de l'ancien continent.

Tous ces travaux philosophiques entrepris simultanément par des hommes de tous les pays, de croyances diverses et souvent dans un but très-différent, ont abouti par des voies très-opposées à un résultat uniforme: c'est la démonstration que toutes les langues se réunissent pour former de grandes familles, lesquelles à leur tour remontent à une souche commune, et que la diversité des dialectes ne tient qu'à la diversité des facultés intellectuelles des nations; car le langage, dit notre auteur, est si évidemment le pouvoir corporifiant, et, pour ainsi parler, l'incarnation de la pensée, que nous pouvons presque aussi facilement imaginer une âme sans un corps, que nos pensées non revêtues des formes de cette expression extérieure; tellement que l'esprit d'une nation doit nécessairement correspondre au langage qu'elle possède. Appliquant ce principe à la langue allemande, il fait voir que Kant n'aurait jamais pu formuler son système, s'il avait pris naissance dans tout autre pays, où la langue ne lui aurait pas permis d'employer le pronom de la première personne d'une manière objective.

L'histoire naturelle de la race humaine est le sujet des deux discours suivants. De même que, dans les deux premiers, on a démontré que toutes les langues ne sont que des ramifications d'un langage primitif, de même il faut prouver que toutes les variétés de l'espèce humaine, répandues sur la surface du globe, remontent en se groupant à une famille primitive, elle-même provenant d'un couple unique, créé par notre père commun à l'origine des temps. Les anciens, et parmi les Grecs, Aristote, n'ont connu ou distingué que quatre races d'hommes, ou plus exactement trois, outre les Grecs. La classification d'Aristote reconnaît des Nègres, qu'il appelle Egyptiens; des Scythes et des Thraces, qui ne sont que les tribus germanique et mongole. Cette division a été pendant longtemps en usage, et dans le moyen âge la race humaine fut naturellement divisée en trois races comme descendant des trois enfants de Noé. Jusque-là on n'avait pris que la couleur de la peau pour base des classifications; mais les naturalistes du dernier siècle commencèrent à considérer la forme aussi, comme un élément essentiel de ces classifications. Camper produisit son fameux système de l'angle facial, à l'aide duquel il expliquait les divers degrés de l'intelligence, selon que la ligne du front se rapprochait plus ou moins de l'angle droit. Blumenbach vint ensuite et considéra la forme de la tête sous un autre point de vue; pour lui, la tête qui annonce le plus d'intelligence est celle dont la mâchoire supérieure offre le moins de saillie, sur une ligne verticale abaissée du front; la largeur du crâne est aussi une indication importante, et sert pour les subdivisions des races ou de la couleur des cheveux, de la peau et des yeux, ou plutôt de l'Iris. D'après ces bases, Blumenbach divise la totalité de la race humaine en trois familles principales avec deux intermédiai– res. Les trois grandes divisions sont la caucasienne, l'éthiopienne, et la mongole. Entre les deux premières familles on trouve les Malays, et entre la race caucasienne et la mongole, viennent se ranger les Américains. Les trois principales familles se distinguent par autant de couleurs différentes : la première est blanche, la seconde est noire, et la troisième olivâtre ou jaune. Les races intermédiaires ont des couleurs intermédiaires; les Américains sont cuivrés et les Malays ont la peau jaunâtre tirant sur le rouge; ils paraissent tannés.

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Mais ni la forme ni la couleur ne sont des choses invariables dans la nature vivante, et moins encore dans l'homme que dans les animaux; parce que ceux-ci ne sont soumis qu'à l'action des agents extérieurs, tandis que l'homme est non-seulement soumis, comme tout le reste de la création, aux influences du dehors; mais son intelligence et sa sensibilité sont deux foyers de perturbation dont l'activité est incessante. La forme qui, par la rigidité des os, semblerait devoir opposer plus de résistance aux modifications, cède comme le reste aux principes modificateurs, principes inconnus, et dont la science ne sait point encore rendre compte. Ainsi l'on voit des familles dont tous les individus, ou quelques-uns d'eux seulement, ont six doigts, soit aux quatre extrémités, soit aux mains seulement, et même a une seule main, et cette difformité se transmet par la génération, jusqu'à ce qu'une cause aussi inconnue que le principe de cette variété la fasse disparaître, quelquefois pour toujours, quelquefois aussi pour une ou deux générations seulement. Mais la partie du corps qui subit les altérations les plus remarquables est sans contredit la tête, ou plutôt le crâne. Ici vient se placer naturellement la question de l'origine des nègres; car ce n'est pas seulement la couleur de la peau qui fait le nègre proprement dit, c'est spécialement la forme de la tête et la chevelure laineuse; et des races indiennes dont la peau est d'un noir luisant, les Sénégalais aux cheveux lisses et au nez droit, ne sont point des nègres. Dans une planche que donne M. Wiseman pour comparer les systèmes de Camper et de Blumenbach, la tête du nègre est déprimée sous un angle de soixante-dix degrés seulement, tandis que la tête de l'Européen présente quatre-vingts degrés; quelques belles statues grecques portent quatre-vingt-cinq, et les représentations des dieux quatre-vingt-dix degrés, et même au delà dans le Jupiter Olympien. Eh bien ! ce nègre, qui restera stupide, si vous le laissez au milieu des circonstances qui l'ont fait descendre jusqu'au plus bas degré de l'échelle intellectuelle, se relèvera et se développera, si vous le mettez en rapport avec des intelligences plus développées que la sienne. S'il est jeune, la forme de sa tête changera avec l'âge, par l'exercice de ses facultés intellectuelles, restées engourdies et inactives jusqu'alors. Les facultés, en se développant, modifient le cerveau, qui est l'organe immédiat de la pensée, et le cerveau réagit à son tour sur le crâne. Si la

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