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ni ne voulons la douleur: pour ce qui est de l'état mitoyen, nous lui préférons le plaifir, & nous le préférons à la douleur. Nous voulons toute condition où il y a beaucoup de plaifir & peu de peine: nous ne voulons point de celle où la peine l'emporte fur le plaifir. A l'égard de la condition où les plaifirs & les peines fe contrebalanceroient, il eft difficile de décider fi nous la voulons. Notre choix & nôtre volonté fe détermine ou demeure en suspens, felon que les plaifirs & les peines font plus ou moins fréquens, plus ou moins grands, plus ou moins vifs; en un mot, felon que l'équilibre fubfifte entre eux ou non. Puifque tel eft l'ordre néceffaire des chofes, il s'enfuit que dans toute condition où il fe rencontre beaucoup de plaifir & de peine, l'un & l'autre dans un grand dégré de force & de vivacité, fi c'est le plaifir qui domine, nous la voulons; fi c'est la peine, nous ne la voulons point: que dans toute condition où les plaifirs & les peines font en petit nombre, foibles & tranquilles, fi les peines l'emportent, nous ne la voulons point; fi les plaifirs ont le deffus, nous la voulons: enfin que quand

tout eft égal de part & d'autre, nous demeurons dans une cfpece d'indifférence; nôtre volonté ne fe déterminant pour ou contre un parti, qu'autant que ce qui eft l'objet de fon amour ou de fon averfion y do. mine.

A PRÉSENT il faut faire attention que tous les genres de vie font renfermés de toutc néceffité dans les bornes que je viens d'afligner; & il ne s'agit que de voir pour lequel on penche naturellement. Si quelqu'un s'avifoit de dire que ce qu'il fouhaite eft hors de ces limites, il montreroit en parlant ainfi fon ignorance & fon peu d'expérience touchant les divers états de la vie. Mais parmi tant de conditions, quelles font celles auxquelles, après avoir murement pefé ce qu'el les ont de conforme ou de contraire à nos defirs & à nos inclinations, on doit fe faire une loi inviolable de s'arrêter; enforte qu'après avoir choisi celle que nous aimons, qui nous eft agréable, & en même tems trèshonnête & très-belle, nous puiffions vivre auffi heureusement qu'un homme peut fe le promettre? Mettons-en quatre; une tempérante, une fage, une courageufe; une qua

trieme qui a en partage la fanté. A celles-ci oppofons-en quatre autres, où fe trouvent l'imprudence, la lâcheté, le libertinage, les maladies. Quiconque aura idée de la vie tempérante, conviendra qu'elle eft modérée en tout, que fes plaifirs & fes peines font tranquilles, fes defirs foibles, & fes amours fans emportement : qu'au contraire dans la vie libertine tout eft exceffif; que les plaifirs & les peines y font très-vifs, les defirs fougueux & emportés, & les amours violens jufqu'à la fureur: que dans la premiere les plaifirs l'emportent fur les peines, & dans la feconde les peines fur les plaifirs, foit pour la grandeur, foit pour le nombre, foit pour la vivacité: qu'ainfi la premiere de fa nature eft néceffairement plus agréable, la feconde plus fâcheufe; & que celui qui veut être heureux, ne peut de deffein formé embraffer la vie libertine. D'où il fuit évidemment, fi ce que nous venons de dire eft vrai, que tout libertin eft néceffairement tel malgré lui; & que c'eft l'ignorance ou la violence des paffions, ou l'une & l'autre à la fois, qui emportent la plupart des hommes loin des régles que preferit la tempérance,

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A L'ÉGARD des états de fanté & de maladie, voici le jugement qu'on en doit porter.

Ils ont chacun leurs plaifirs & leurs peines: mais dans la fanté les plaifirs furpaffent les peines, & dans la maladie les peines furpaffent les plaifirs. Or dans un choix de vie, nôtre inclination ne nous porte point vers celle où les peines l'emportent, & nous ju geons plus agréable celle où le plaifir domine. Selon nous auffi les plaifirs & les peines font moindres pour le nombre & la grandeur dans la condition du tempérant, du fage, du fort, que dans celle du libertin, de Finfenfé, du lâche : & en même tems dans la condition où régne la fageffe & la force, les plaifirs furpaffent les peines, comme ils en font furpaffés dans celle du lâche & de l'infenfé. Par conféquent la vie qui a en partage la tempérance, ou la force, ou la fagef fe, ou la fanté, eft plus agréable que celle où fe trouve le libertinage, ou la lâcheté, ou l'imprudence, ou la maladie. Et pour comprendre ceci fous une idée générale, la vie qui participe aux bonnes qualités de l'ame ou du corps, eft préférable pour l'agrément à celle qui tient aux mauvaises difpofi

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tions de l'un ou de l'autre ; fans compter qu'elle a encore l'avantage du côté de la beauté, de l'honneteté, de la vertu & de la gloire. Ainfi elle procure à celui qui l'em-' braffe un bonheur plus grand à tous égards que ne fait la condition oppofée. Bornons ici le prélude général de nos loix.

APRÈS le prélude, il est néceffaire que la loi fuive, ou, pour parler plus jufte, le deffein & l'efquiffe de la loi. Comme donc en toute efpece de tiffu, il ne se peut faire que le fil de la trame & celui de la chaîne foient de même nature; & qu'il faut abfolument que le fil de la chaîne foit plus fort & plus ferme; l'autre plus fouple & plus propre à céder jufqu'à un certain point: c'est auffi par ces mêmes qualités que doit fe faire dans les Etats le difcernement de ceux qu'on deftine aux premieres charges, & de ceux dont la vertu n'a été éprouvée que par une éducation médiocre. Il y a en effet dans tout gouvernement deux chofes; l'une eft l'établiffement des Magiftrats; l'autre, les loix felon lefquelles les Magiftrats doivent gouverner. Mais avant que d'en venir à ces deux points, il eft à propos de faire l'observation M. 5

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