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geux de la fédition, mérite d'être acheté au poids de l'argent & de l'or. Nous foutenons donc que celui qui fe diftingue dans cette guerre, beaucoup plus périlleufe que l'autre, l'emporte autant fur le guerrier de Tyrtée, que. la juftice, la tempérance & la prudence. jointes à la force, l'emportent fur la force feule. Car pour être ferme & incorruptible 12 dans la fédition, il faut réunir en foi toutes

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les vertus: au lieu que parmi les foldats qui prefque tous font téméraires, injuftes, fans mœurs, & les plus infenfés de tous les hommes, à un très-petit nombre près, il s'en trouve beaucoup qui, felon l'expreffion de Tyrtée, fe préfenteront au combat avec une contenance fiere, & iront au devant de la mort. (12)

A quor aboutit tout ce difcours, & quelle autre chofe voulons-nous prouver par là, . finon que vôtre légiflateur fur-tout, inftruit qu'il étoit par Jupiter lui-même, & quiconque fera tant foit peu verfé dans la police des Etats, ne peut fe propofer dans fes loix

(12) L'expreffion que Platon a empruntée de Tyrrés, & Tyrtée lui-même d'Homere Iliad 12. vers 458. eft eo diafávres, qui repréfente la pofition d'un homme qui avan ce une jambe & recule l'autre pour mieux afféner, for coup, en confervant. lui-même l'équilibre.

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d'autre but que la plus excellente vertu, laquelle, felon Théognis, n'eft autre qu'une fidélité à toute épreuve dans les circonftances difficiles; fidélité qu'on peut nommer à bon droit juftice parfaite. Pour la vertu que Tyrtée a tant vantée, elle a fon prix,. & ce poëte a fort bien choifi fon tems pour chanter; mais après tout elle ne doit être mife que la quatrieme en ordre & en dignité. Clinias. Ainfi donc, Etranger, nous rejettons Minos parmi les Légiflateurs du dernier ordre? L'Athén. Ce n'eft pas lui, mon cher Clinias, que nous traitons de la forte, mais nous-mêmes, tandis que nous croironsque Lycurgue & Minos ont eu principalement la guerre pour objet dans les loix qu'ils ont données, l'un à la Crete, l'autre à Lacédémone. (13)

CLINIAS. Mais quoi? que faut-il donc dire au fujet de Minos? L'Athén. Ce que je crois conforme à la vérité, & ce qu'il eft juste que nous difions d'un Légiflateur divin, (14)

(13) On voit affez que ceci n'eft qu'un tour que Platon prend pour ne pas choquer les deux Etrangers.

(14) Je crois qu'il y a une faute dans ces mots drep ye beiαc, & qu'il y manque quelque chofe, comme «ɛa. Car il est évident que cette expreffion fe rapporte à Minos, & qu'il ne faut point traduire, comme Ficin & de Serres, de divind Republica..

fçavoir que Minos en dreffant le plan de fes loix, n'a point jetté les yeux fur une feule: partie de la vertu, & encore la moins eftimable; mais qu'il a envifagé la vertu toute entiere, (15) & qu'il a puifè le détail de fes loix dans chacune des efpeces qui la compofent, en fuivant néanmoins une route: bien différente de celle des Légiflateurs de nos jours, qui s'occupent uniquement du. point qu'ils ont befoin de régler & de propofer pour le moment; celui-ci des héritages & des fucceffions des uniques héritieres,, celui-là des mauvais traitemens, d'autres enfin d'une foule d'objets de cette nature: au lieu que, felon nous, la vraye maniere de procéder dans la recherche des loix, eft de débuter par où nous avons débuté. Car je fuis infiniment fatisfait de la façon dont vous êtes entré dans l'expofition des loix de vôtre pays. Rien de mieux en effet que de commencer par la vertu, & de dire, comme vous avez fait, que Minos ne s'est propofé qu'elle dans fes loix. La feule chofe que j'y trouve à redire, c'eft que vous ayez

(15) Ce que les Anciens appelloient vertu aperỳ. comprenoit la prudence, la juftice, la force & la tempérance.

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borné fes vues à une feule partie de la ver & encore à la moins confidérable; & voilà ce qui m'a jetté dans la difcuffion où nous venons d'entrer. Voulez-vous que je vous dife comment j'aurois fouhaité que vous m'euffiez expliqué la chofe, & ce que j'attendois de vôtre part? Clinias. Je le veux bien.

L'ATHÉN. Etranger, m'auriez-vous dit, ce n'eft pas fans raifon que les loix de Crete font finguliérement eftimées dans toute la Grece: elles font parfaites, & rendent heureux ceux qui les obfervent, en leur procu rant tous les biens. Or il y a des biens de deux fortes, les uns humains, les autres divins. Les premiers font attachés aux feconds; de forte qu'un Etat qui reçoit les plus grands, acquiert en même tems les moindres, & que ne les recevant pas, il eft privé des uns & des autres. A la tête des biens de moindre valeur eft la fanté; après elle marche la beauté; enfuite la force, l'agilité à la courfe, & à tous les autres mouvemens du corps. Plutus vient en quatrieme lieu, non Plutus aveugle, mais Plutus clairvoyant & marchant à la fuite de la pruden

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ce. Dans l'ordre des biens divins, le premier eft la prudence; après elle vient cette habitude de l'ame, qui tempere ses defirs. Du mélange de ces deux vertus & de la force naît la justice, qui occupe la troisieme place; la force eft à la quatrieme. Tous ces biens méritent par leur nature la préférence fur les premiers; & il est du devoir du Légiflateur de la leur conferver. Il faut enfuite que toutes les loix qu'il fera pour fes citoyens, ayent pour objet de leur procurer les uns & les autres; de façon néanmoins que les biens humains fe rapportent aux divins, & ceux-ci à la fageffe qui tient le ¿ premier rang.

SUR CE plan il réglera ce qui concerne les mariages, la naiffance & l'éducation des enfans de l'un & l'autre fexe: il les fuivra de puis la jeuneffe jufqu'à la vieillesse, marquant ce qui eft digne d'eftime ou de blâme dans toute la fuite de leurs actions. Enfuite, après avoir observé & étudié foigneusement la nature de leurs peines, de leurs plaifirs, de leurs defirs & de tous leurs penchans, il les approuvera ou les condamnera dans fes loix fuivant la droite raison. Pareil

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