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les hommes supérieurs sont une exception; ils viennent tracer la route, et les autres marchent de loin à la lueur qu'ils ont laissée sur leurs traces. Ainsi marchèrent et les successeurs de Charlemagne et les élèves d'Alcuin, à la lumière du législateur et du maître.

CHAPITRE VII.

Successeurs de Charlemagne. Décadence et progrès.

LES successeurs de Charlemagne ne furent pas infidèles à la science; ils portèrent aux écoles qu'il avait fondées le même intérêt; ils leur prodiguèrent les mêmes encouragemens. Les écoles qu'il avait établies furent protégées, agrandies, soutenues par ses fils, ou renouvelées par leur munificence 1. L'école du

' Illud vel maxime vobis æternam parat memóriam, quod famatissimi avi vestri Caroli studium erga immortales disciplinas non modo ́ex æquo repræsentatis, verùm etiam incredibili fervore transcenditis : dum quod ille sopitis eduxit cineribus, vos fomento multiplici tum beneficiorum, tum auctoritatis usquequaque provehitis, immo, ut sublimibus sublimia conferam, ad sidera perurgetis; ita vestra tempestate ingenia hominun duplici instruuntur adminiculo, dum ad sapientiæ abdita persequenda, omnes quidem exemplo allicitis, quosdam vero præmiis invitatis. Id vobis singulare studium effecistis, ut sicubi terrarum magistri florerent artium, hos ad publicam eruditionem undecunque vestra celsitudo conduceret, comitas attraheret, dapsilitas provocaret. Dum te tuosque ornamentis sapientiæ illustrare contendis, cunctarum fere gentium scholas et studia sustulisti, spretis ceteris, in eam mundi partem quam vestra potestas complectitur, uni

palais soutint sa réputation sous Charles le Chauve, malgré les troubles qui agitèrent le règne de ce prince. Les écoles épiscopales furent encore, pour les lettres, d'un plus grand secours; entre autres celle de Lyon, qui, sous Leidrade, continuait la pensée et les travaux de Charlemagne. Loup, abbé de Ferrières, soutint sa réputation; Corbie, Saint-Gall, où l'on étudiait le grec, fleurirent. Sous le nom de Carlopolis, Charles le Chauve voulut faire de Compiègne une rivale d'Athènes. Tout ce siècle était très-occupé de littérature. On trouve même, à cette époque, des épigraphes et des pièces légères en vers grecs. Du séminaire de Fulde sortirent tous les hommes qui, au neuvième siècle, répandirent dans la Germanie et la Gaule quelque éclat sur la littérature de ce temps. L'école de Saint-Germain servit de transition entre les doctrines du neuvième siècle et celles du dixième. Les liaisons même, for

mées par l'amitié et par le goût des lettres

entre Charlemagne et Alcuin, se renouvelèrent entre Charles le Chauve et Jean Érigène, versé dans la connaissance du grec. Louis le Débonnaire employa Théodulf à diverses négo

versa optimarum artium studia confluxerunt. (Herici Mon. ad Car. Calvum 876 dedicat. lib. 6 carminum de vita S. Germani. BoUQUET, t. 7, p. 562.)

ciations. Ce goût et cette protection des lettres furent telles, qu'un illustre écrivain ' y a vù, à tort selon nous, une des causes de la ruine des enfans de Charlemagne.

Tâchons de comprendre le mouvement politique et la tendance intellectuelle qui dominèrent les carlovingiens, et dont ils furent les auteurs, et, plus tard, les victimes.

La lutte entre la féodalité et l'Église avait commencé au sixième siècle. La royauté carlovingienne, née d'elle-même, il est vrai, et de son courage, avait cependant demandé et reçu la sanction de Rome 2. Charlemagne avait renouvelé au saint siége le serment et la protection de Pepin. Tout son règne fut une lutte contre l'esprit barbare en faveur de l'esprit romain; en d'autres termes, un combat de la liberté contre la force brutale. Contenue

:

Klovigh le Débonnaire était malheureusement trop bon écolier il savait le grec et le latin. L'éducation littéraire donnée aux enfans de Charlemagne fut une des causes de la prompte dégénération de sa race. (M. DE CHATEAUBRIAND, Études historiques, t. 3, p. 250.)

2 Pepin est le premier roi de France qui ait employé dans les diplomes la formule par la grâce de Dieu; ce qu'il fit, soit pour imiter les empereurs d'Orient, qui prenaient le titre de OECOTEQELS, couronnés de Dieu, soit pour avoir été élu roi par une grâce de Dieu toute particulière. Des modernes l'ont regardée mal à propos comme une marque de souveraineté. (L'Art de vérifier les dates, page 534.)

main puissante, la féodalité s'agite à sa mort; elle triomphe à la bataille de Fontenay, qui fut la victoire de la force sur l'Église.

La féodalité, maîtresse du champ de bataille, détruisit cette famille carlovingienne qui avait uni ses destinées aux destinées de Rome.

La protection accordée aux lettres par Charlemagne et ses successeurs était donc aussi une protection accordée à la race vaincue, qui vivait dans les monastères. Mais la puissance avait pris un autre cours: les carlovingiens furent emportés par la féodalité. Cette science, qu'ils voulaient ranimer, que tous, à l'exemple de Charlemagne, ils protégèrent, ne les perdit pas, mais périt avec eux de là cette décadence qui suivit le règne de Charlemagne. L'esprit, c'est-à-dire l'Église, succombait sous la violence; elle ne devait vaincre qu'avec Grégoire VII, dont l'empire pontifical fut, après tout, une vigoureuse et utile réaction contre la féodalité.

Les prières adressées à Charles le Chauve par le clergé pour lui demander de relever les écoles trahissent ce sentiment d'un danger et d'un intérêt communs.

Ce fut, du reste, le droit du clergé de demander à la science un appui contre la force brutale. Le clergé, en effet, devra à la science

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