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tenant un prince devenu catholique, combattait ainsi l'arianisme dominant, quoique sans intolérance, à la cour des Gaules '. Pepin suivit la politique de Clovis, et gagna, par ses ménagemens, le véritable pouvoir du pays.

Sous les mérovingiens, le clergé régna; il remplissait toutes les charges. Appelé aux ambassades, il y prit cette habitude et cette adresse politiques qui, pendant long-temps, lui furent particulières. Choisi pour rétablir la concorde entre les princes d'une même famille, juge et conciliateur des dissensions royales, il reçut de cette mission une majesté qui le rendit sacré aux yeux des peuples, respectable à ceux des rois; ce fut en présence d'une assemblée d'évêques que Frédegonde attesta, par un serment, la légitimité de son fils.

Ainsi se consolida la puissance du clergé. Il a rang, et le premier, dans l'ordre politique; les canons avaient le respect universel. Il conserve seul cette liberté qui a péri pour tout le reste; il devine et établit les formes du gouvernement représentatif, dont les conciles sont les modèles; il consacre également le principe de l'élection populaire dans sa hiérarchie. Les évèques étaient nommés civium consensu; les

Mémoires sur la politique de Clovis. Belles-Lettres, 23.

Inscriptions et

rois n'avaient que le droit de présentation, præceptio. Ces élections populaires remplaçaient les libertés languissantes et surannées des municipalités romaines.

Malgré ces travaux et cette activité du clergé, les restes de l'idôlatrie n'avaient pas entièrement disparu. L'antique disposition des Gaulois pour les augures et autres divinations fut plus grande au sixième siècle qu'auparavant; c'était un reste de paganisme mêlé au christianisme. Sortes sanctorum, le sort des saints, exprime ce mélange. Au huitième siècle même, quelques vestiges d'idolâtrie se rencontraient encore. Les superstitions renaissaient sous les croyances chrétiennes. Dans plusieurs contrées, on voyait des statues de Diane; dans quelques endroits, des sacrifices humains; et, à côté des autels chrétiens, les autels du paganisme. Ce sera la réforme que Charlemagne poursuivra au nord.

CHAPITRE VI.

Charlemagne. —Alcuin. —Éginhard.

Sous les derniers mérovingiens, les lettres allèrent, comme la famille de Clovis, s'affaiblissant; elles périrent enfin au milieu des guerres que se livrèrent les successeurs dè Clovis, et des crimes de la race mérovingienne. Depuis Chilpéric, les Gaulois n'avaient point de fêtes, d'anniversaires, à l'imitation des Romains, pour perpétuer le souvenir des actes mémorables auxquels la monarchie devait et son origine et ses premiers accroissemens'. Le clergé même, seul dépositaire de la science, n'en sut pas conserver les dernières étincelles. Adonné à l'exercice des armes et de la chasse, il négligea la science ecclésiastique, au point qu'on oublia les dispositions légitimes pour entrer dans le saint ministère, et surtout dans l'épiscopat. Cette indifférence, ce mépris du clergé pour les lettres, vint surtout de l'introduction des Francs dans l'Église, et des abbés dans le sys

DUBOS, Hist. de la Monarchie franç., Disc. prelim.

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tème militaire, comme seigneurs féodaux. Les ornemens des couvens furent employés à nourrir des chiens, à équiper des guerriers. De là aussi cette ignorance des laïques, qui produisit, dans les clercs, la confusion des titres de médecin, de physicien, etc. La difficulté même de se procurer les matières sur lesquelles on pût écrire, ajoutait à ces ténèbres. Au huitième siècle, le commerce de papyrus se faisait par mer, d'Égypte à Marseille; les clercs seuls, et rarement encore, l'achetaient.

L'Orient même semble atteint : le pape Agathon se plaint à Constantin Pogonat de l'ignorance du clergé. Les conciles, seules lumières de ces temps ténébreux, deviennent plus rares. Vainement on voudrait saisir et fixer les dégradations successives de cette ruine intellectuelle ; elles échappent aux recherches : la civilisation, dans ses raffinemens mêmes, a ses nuances distinctes, sa couleur tranchée; la barbarie n'en a point; en elle, tout est uniforme et confus.

La poésie, première manifestation d'un peuple et son expression dernière, la poésie semble déjà, dans ses altérations, annoncer un idiome et un mètre nouveaux. Elle se sépare de la poésie ancienne par l'invention de la rime, dont le retour monotone avertissait l'oreill

nue trop grossière pour sentir les nuances légères de la prosodie. La rime, dont l'origine, du reste, est incertaine, prend, en quelque sorte, possession de la langue dans ces vers chantés au sujet de la victoire que Clotaire II remporta sur les Saxons :

I.

De Clotario est canere rege Francorum,
Qui ivit pugnare cum gente Saxonum;
Quam graviter provenisset missis Saxonum

Si non fuisset inclytus Faro de gente Burgundionum.

II.

Quando veniunt in terram Francorum,
Faro ubi erat princeps, missi Saxonum,

Instinctu Dei transeunt per urbem Meldorum,

Ne interficiantur a rege Francorum '.

Vers dont la lente et sourde mesure semble avoir été devancée dans ces autres vers, que chantaient les soldats d'Aurélien :

Mille Francos, mille Sarmatas, semel occidimus,
Mille, mille, mille Persas quærimus.

'Chantons le roi Clotaire, qui alla combattre la nation saxonne. Les ambassadeurs saxons auraient été traités sévèrement, si Faron, de la nation bourguignonne, n'eût intercédé

pour eux.

A l'arrivée des ambassadeurs en France, où Faron était prince, Dieu leur inspira de passer par la ville de Meaux, pour les sauver de la mort que le roi leur préparait.

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