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soin ces antiques et brillantes traditions de science. Au sixième siècle, on trouve Andarchius, très-savant dans les œuvres de Virgile, les livres de la loi théodosienne et l'art du calcul; à la fin du septième siècle, on cite saint Benet, évêque de Clermont. Ces faibles et précieuses semences restèrent enfouies et stériles sous les ténèbres du huitième et du neuvième siècle; mais semblables à ces vastes campagnes de l'Auvergne ellemême, que des montagnes volcaniques couvrirent autrefois de cendres brûlantes et de vagues de feu, au dixième siècle elles reparurent éclatantes et fécondes. Du monastère d'Aurillac sortit Gerbert, qui rapporta dans sa patrie les sciences des Arabes, et sembla annoncer Pascal.

Grégoire de Tours vit cette destruction des lettres, que Sidoine était loin de pressentir. Peu digne d'étude comme écrivain, comme historien, comme témoignage de son époque, Grégoire mérite une haute attention. Représentant d'une croyance qui dominera le moyen âge, d'un pouvoir moral qui doit contenir et vaincre la féodalité, Gaulois et évêque, il a le double patriotisme de la religion et du pays. En lui, surtout, se manifeste cette vertu épiscopale, cette révolution politique, qui,

transportant à l'évêque la puissance du sénateur romain, offrit à la race vaincue une protection contre les violences de la conquête. Les premiers pasteurs de nos Gaules n'appartiennent pas moins aux fastes du pays qu'à ceux de l'Église, et leur nom fut consacré par la reconnaissance nationale avant de l'être par la religion.

Grégoire de Tours sépare complètement l'antiquité du moyen âge. Son style, en effet, est moins une dégradation du latin classique qu'une introduction au latin rustique, à cet idiome populaire qui, chaque jour corrompu par les patois du Nord, devait, par ses altérations diverses et sa lente métamorphose, servir de transition et d'élément aux langues modernes du midi de l'Europe. Dans la préface de son Histoire, Grégoire de Tours indique lui-même cette différence et sa cause. Il écrit, dit-il, en un style incorrect et grossier: Nam philosophantem intelligunt pauci, loquentem rusticum multi: phrase, ce nous semble, jusqu'ici mal interprétée, et qui ne signifie pas que l'auteur reconnaissait la barbarie de son style, comparé au style classique, mais bien que, pour mieux se faire entendre du peuple, il se servait du seul langage qu'alors le peuple comprît,

le latin rustique, dès-lors aussi adopté dans les actes publics'.

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Cette distinction est nécessaire pour bien juger les écrits de Grégoire de Tours. Ne voyez point en lui un grossier imitateur de la forme antique, une copie défigurée de la pureté classique, mais ce qu'il est réellement, un précurseur des temps futurs, le représentant de l'idiome et de l'ignorance populaires; alliant la tition à une érudition mal digérée; exprimant, dans l'âpreté de son style, la rudesse des mœurs barbares; mêlant les dates et les événemens la naïveté de quelques peintures au désordre de la composition; puis, à travers cette confusion et cette crédulité, laissant échapper quelques souvenirs de science, quelques traditions altérées de l'antiquité. Le titre même de son ouvrage, Histoire ecclésiastique des Francs, est un trait de la physionomie de l'époque : il indique un autre ordre d'idées, l'intervention du clergé dans toutes les affaires, et le mélange de la puissance religieuse et militaire.

Eodem tempore adeò incultæ jacebant litteræ ut nemo inveniretur qui res gestas litteris commendare valeret, aut si quis eas potiori stylo describere conatus fuisset, inutilis fuisset ejus scriptio, utpote quam plerique non intellexissent. Quæ etiam causa fuit ut leges et ipsa regum nostrorum diplomata eodem prorsùs stylo rustico conderentur. (Ruinart, 101. Collect. des bénédict.)

Citations et formes de l'Écriture sainte, réminiscences de l'antiquité latine, et peut-être de l'antiquité grecque, histoire de l'Église, histoire politique, guerres, conciles, origines de la monarchie, origines des couvens, catalogue des princes et des évêques, dans cette histoire, tout se presse et se confond.

Continuateur de Grégoire de Tours, Fredegaire débute, comme lui, par la création: c'était alors et ce fut long-temps le point de départ obligé de toute histoire. Ainsi fait Isidore de Séville, ainsi Bède. La chronique de Fredegaire est divisée en cinq livres, dont le cinquième seulement est la continuation de Grégoire de Tours, auquel, du reste, Fredegaire est bien inférieur. La corruption marchait si vite, qu'elle sembla saisir et devancer Fredegaire lui-même dans le cours de son ouvrage. Les bénédictins observent que l'histoire même de Fredegaire est d'un style plus grossier que sa préface, Les continuateurs de Fredegaire achevèrent cette destruction. L'histoire a, chez eux, perdu tous ses caractères; elle n'est plus qu'un recueil de dates, de souvenirs mal rassemblés: tissu grossier qui, sans cesse, se brise entre leurs mains; travail matériel, dans lequel la pensée n'entre pour rien.

Poésie.

CHAPITRE V.

Fortunat. Saint Avite.

— Légendes. Éloquence religieuse. - Pouvoir du clergé.

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La poésie, après Sidoine Apollinaire, dégénère, comme l'histoire après Grégoire de Tours; avec cette différence que la poésie, dans ses altérations mêmes, conserva cependant quelques vestiges de correction; soit que la mesure obligée du vers, bien que souvent violée, retienne encore et donne aux mots plus de pureté par la précision de la pensée; soit que l'influence et les traditions italiennes que Fortunat avait reçues à Ravenne, et qui, en Italie, mieux que dans les Gaules, s'étaient maintenues, aient communiqué à sa poésie une vertu qui n'était plus dans la prose. Cette poésie charmait la cour de Sigisbert, qui, luimême, s'étudiait à reproduire l'élégance latine. Cette poésie est bien faible cependant. Les sujets en sont puérils'; le rhythme, mono

Voici les titres de quelques pièces : 8, pièces à sainte Radegonde sur des violettes; 9, sur des fleurs mises sur l'autel; 10, sur des fleurs qu'on lui envoie ; quatre pièces pour qu'elle

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