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elle retentit à la cour, où se trouvaient plusieurs familles d'origine française. Avec Robert Guiscard, elle règne à Naples. Transportée en Asie avec les croisés, en 1202, avec eux elle s'y maintient cinquante-huit ans, et leur survit. En 1300, on parlait français dans la Morée, dans la Grèce, à Athènes aussi bien qu'à Paris '. Elle visite, avec les croisés, Chypre et Jérusalem, et ses premiers monumens se rattachent à cette royauté des seigneurs français établie en Orient à la pointe de l'épée.

Tandis que la langue et la poésie vulgaires allaient ainsi s'épurant, acquérant chaque jour de nouvelles richesses; tandis qu'elles devenaient populaires, le latin retrouvait de son côté une correction, une élégance qu'il avait perdue, lorsque, obligé de servir d'instrument aux besoins et aux usages de la vie et de la pensée de chaque jour, il avait dû admettre des mots barbares comme supplément d'un idiome

Les vestiges de la langue et de la domination françaises ne sont pas, aujourd'hui même, entièrement effacés sur le sol de la Grèce; on les y retrouve avec les ruines des châteaux de la féodalité. La dernière commission scientifique envoyée en Grèce par le gouvernement français a observé, chez les Maïnotes, à côté des mœurs nationales, des coutumes qui semblent se rapprocher de l'esprit féodal de l'Europe du treizième siècle. (Lycée. —CHATEAUBR., Préf. de l'Itin. BUCHON, Expédition des Français en Morée.)

pauvre et s'ignorant lui-même. Aussi les ouvrages latins du douzième siècle, histoires, poèmes, éloquence, lettres diplomatiques, sont-ils bien supérieurs à tous ceux des quatre siècles que nous avons parcourus; nous n'en exceptons que celui d'Éginhard.

L'histoire surtout est riche. Othon de Frisingue, dans le prologue du cinquième livre de son Histoire Universelle, offre cette pensée, devenue en Allemagne le texte et le guide de la philosophie de l'histoire : « La science et la puissance vont d'Orient en Occident; nées dans l'Inde, elles ont traversé l'Égypte, la Grèce et l'Italie pour arriver en France »; espèce de fatalité historique que l'école française semble avoir adoptée. Lambert d'Affschenbourg, auteur d'une Histoire des Guerres d'Italie contre l'Empire, raconte la vie de plusieurs papes de cette époque, retrace le caractère des empereurs d'Allemagne, explique leur politique, dans un style plein de nerf et d'élégance, et qui, avec les formes et l'imitation de Tite-Live, conserve l'empreinte d'une pensée originale. Matthieu Paris, dans son Historia Major, montre de la pureté et de l'élégance; Falcandus écrit avec éclat les annales de la Sicile ; Guillaume le Breton raconte la vie de Philippe-Auguste, qu'il accompagna dans ses expéditions militaires,

La poésie s'inspira de l'étude et des formes de l'antiquité. Gauthier de Châtillon, par son Alexandride, poème en dix livres, fondé sur l'histoire de Quinte-Curce, excita l'admiration universelle de ses contemporains. En Angleterre, en Italie, la poésie n'était pas cultivée avec moins d'ardeur. Elle offre surtout des hymnes, expression admirable de ce qu'il y avait alors de vivant et d'animé dans les cœurs.

La lutte du pouvoir temporel contre le pouvoir spirituel, la querelle de l'empire et du sacerdoce, ont produit des écrits remarquables par la subtilité diplomatique, et en même temps par la force et l'éclat de l'expression'. En Angleterre, les lettres de Lanfranc et de Guillaume le Conquérant à Grégoire VII; en France, les traités de Gerson; en Allemagne, tous les écrits enfantés par la question des investitures, se distinguent par la force, la solidité des pensées, et par l'éclat du style.

Le Saint-Siége soutenait avec non moins de talent et de gloire cette lutte si vive et si redoutable de la science et du pouvoir contre lui réunis. Les lettres et circulaires d'Innocent III, d'Honorius IV, d'Urbain IV, de Pie II, se peuvent placer à côté de ces lettres si fières

· Le quinzième volume des Historiens de France contient toutes les lettres politiques.

et si habiles où éclatait le génie politique et ardent de Grégoire VII, dont une plume brillante nous doit la peinture.

Là est l'éloquence du moyen âge : la tribune est toujours à Rome; mais le forum c'est le monde tout entier : Urbi et orbi.

CHAPITRE XIX.

Littérature provençale. Causes historiques de sa décadence.

La poésie provençale est fille de la civilisation romaine; elle réunit les influences grecque et latine. Les croyances, les jeux, les fêtes du paganisme subsistèrent long-temps dans le Midi; le clergé les adopta et les introduisit, en les modifiant, dans l'Église, avec le langage vulgaire. Ainsi se forma, des souvenirs profanes et religieux de la Grèce et de Rome, une littérature tout ensemble savante et populaire, qui brilla surtout du huitième au onzième siècle, et qui, alors étouffée par une poésie nouvelle, n'a survécu que dans deux ouvrages, qui en sont un précieux monument.

Le premier est un poème dont le héros est Walter (Waiffre?), en qui l'auteur semble, comme à dessein, avoir rassemblé tout le courage, toutes les vertus dont l'admiration et les fables populaires entouraient la mémoire d'Aëtius, le vainqueur d'Attila, et qu'elles prêtaient à tous les hommes qui s'étaient faits les

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