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la forme passive a produit l'auxiliaire passif. Les barbares ajoutèrent les actifs habere et tenere comme auxiliaires du verbe, et les employèrent surtout dans un sens contraire à l'étymologie. Les verbes substantif et auxiliaire, voilà, dans la langue latine, les traces profondes de l'invasion et de l'influence teutonique.

Ce changement dans la prononciation, qui négligeait, ou plutôt perdait la quantité des syllabes latines, et la remplaçait par l'accentuation, la substitution des auxiliaires aux inflexions du verbe, furent les premières transitions des langues anciennes aux langues modernes, et leur plus grand pas fut l'emploi des articles définis et indéfinis devant les noms. L'application grossière des mots unus, ipse, illa, paraît en avoir été le premier essai. Puis arrivèrent en foule les hordes teutoniques avec leur grammaire particulière, et une altération qui au fond était un besoin, et remplissait une lacune, devint une règle, et la plus grande distinction des langues anciennes et des langues modernes. Les mots latins manquant, on en forgea de barbares, auxquels on donna une inflexion et une terminaison latines. C'est de quoi l'on trouve des vestiges bien marqués dans la loi Salique et la loi Ripuaire. De là se forma comme insensiblement ce qu'on nomme le

roman, c'est-à-dire la langue vulgaire et rustique'.

Les matériaux d'un idiome nouveau se trouvèrent ainsi réunis.

L'usage de la langue latine avait commencé à se perdre dans les Gaules des le règne de Justinien. Du temps de Grégoire de Tours, tous les noms ne recevaient pas une terminaison latine, et quelques-uns conservaient leur cachet teutonique. Au sixième siècle, disparurent dans les Gaules les règles de la prosodie. On conserva l'usage de la langue latine, quoique dès lors elle cessa d'être vulgaire; elle fut consacrée dans les prières et les offices de l'Église. On prêchait en latin. Le latin était sinon parlé, du moins compris par le peuple. Les rois barbares l'employaient encore dans leurs lois, leurs ordonnances, leurs actes tant particuliers que publics. Childebert le parlait fort bien, Charibert encore mieux, et Chilpéric aussi parfaitement que le permettait son siècle. Mais dans un espace de soixante-dix ans, de 506 à 575, il y a dans les auteurs une telle différence qu'on dirait un intervalle de plusieurs siècles. Les dissensions politiques avaient fait cette corruption.

'Histoire littéraire.

Encore comprise au septième siècle, au huitième la langue latine prend un caractère nouveau, qui n'est pas encore le caractère moderne, mais qui s'en rapproche plus que du caractère ancien. C'est dès-lors la lingua romana rustica, alliance nouvelle de mots qui ̈ annonce une fusion et une transformation : le langage du moyen âge a pris place à côté du langage romain. L'orthographe latine, jusque-là conservée dans les livres, sinon dans les chartes, est remplacée par une orthographe conforme à la prononciation reçue. Ainsi, dans les formules de Marculfe, on trouve lui pour illius; dans des litanies écrites en 780 au diocèse de Soissons, le premier exemple de ille ou illa tronqué, et, dans une liturgie du temps de Charlemagne, tu lo juva pour tu illum juva. Sous Pepin, il y avait à Paris une langue vulgaire différente du latin.

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A la fin du huitième siècle ou au commencement du neuvième, la langue latine cesse complètement d'être la langue vulgaire, bien que quelques homélies et discours au peuple composés alors en latin montrent qu'en quelques endroits le peuple ou plutôt le clergé entendait encore cette langue. Elle est remplacée en Germanie par le tudesque; en France, par le roman, autre préparation des langues modernes,

et la seconde métamorphose du latin. C'est cette langue que les évêques devaient prêcher pour être mieux entendus. Un concile tenu à Tours en 813 enjoint aux évêques de faire traduire certaines homélies des Pères en romain rustique et en allemand; ce qui prouve, 1o que la langue vulgaire avait fait assez de progrès pour exprimer, du moins imparfaitement, les idées des auteurs latins; 2° que le latin n'était plus entendu des gens du peuple, ni en général des laïques, ni même d'une partie du clergé. Les signes caractéristiques du latin disparaissent de l'écriture et du discours : les traductions commencent.

Le serment de 842 est le plus ancien monument de cette langue vulgaire.

Serment de Louis le Germanique.

« Pro Deo amur et pro xristian poblo et nos«tro commun salvament, d'ist di en avant, «< in quant Deus savir et podir me dunat, si << salvarai eo cist meon fradre Karlo, et in adjuda et in cadhuna cosa, si cum om per « dreit son fradra salvar dist; in o quid il mi << altresi fazet; et ab ludher nul plaid nunquam <«< prindrai qui, meon vol, cist meon fradre «Karle in damno sit. >>

«

Serment du peuple français.

« Si Loduuigs sagrament, que son fradre «Karlo jurat, conservat; et Karlus, meos sen«‹‹dra, de suo part non lo stanit; si io returnar « non l'uit pois, ne io, ne ceuls cui eo retur«<nar int pois, in nulla ajudha contra Lodhu"wig non li iver. »

«

« Pour l'amour de Dieu et pour notre com« mun salut et celui du peuple chrétien, do<< rénavant, autant que Dieu savoir et pouvoir << me donnera, oui, je soutiendrai mon frère « Charles, ici présent, par aide et en toute <«< chose, comme il est juste que l'on soutienne << son frère, tant qu'il fera de même pour moi; «<et jamais avec aucun ne ferai traité, qui, de

"

))

ma volonté, soit préjudiciable à mon frère « Charles. » — « Si Lodwig garde le serment qu'à son frère Charles il jure, et si Charles, « mon seigneur, de son côté ne le maintient, « si je ne puis l'y ramener, ni moi, ni aucun « autre, je ne lui donnerai aucune aide contre « Lodwig.

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Abandonné comme langue vulgaire, le latin resta la langue officielle, la langue savante, la langue du culte, des lois, des actes publics,

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