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seul s'éleva, par la force de son génie, à l'idée de fonder la science sur l'observation, et d'interroger la nature par des expériences. Dans son traité Speculum alchimiæ, il parle de la poudre à canon, dont il est très-certain qu'il a connu la composition et les propriétés '. Bacon semble avoir eu le pressentiment de la grande découverte de notre siècle, celle de l'emploi de la vapeur. Il parle, dans son Opus majus, de la possibilité de faire mouvoir des chariots ou des vaisseaux par un mécanisme intérieur auquel on pourrait appliquer la force du vent.

Les deux premières parties de l'Opus majus signalent les causes de l'ignorance, les obstacles qui s'opposent à la science utile et véritable; la troisième traite de l'usage des langues, de leur influence sur les pensées et les opinions; les trois dernières sont consacrées aux sciences physiques, à la mécanique, à l'astronomie, à la perspective, à l'optique; et tout, à part l'astrologie, consiste en observations, en expériences et en analyses 2.

· Ce qui pourra étonner, c'est que du temps de Bacon l'usage de la poudre était vulgaire. Les enfans s'amusaient à en renfermer dans du parchemin et y mettaient ensuite le feu. Ainsi on employait la poudre à faire des pétards, avant le temps où il vint à l'idée d'en faire usage à la guerre. (CUVIER, 37 leçon.) 2 BRUCKER, Hist. phil., 111, 817, 820.

L'astronomic, moins heureuse, se perdait dans des cosmogonies ridicules et téméraires; elle dégénérait en astrologie : les Allemands, les Italiens, les Polonais, les Anglais, semblaient cependant annoncer le génie qui les distingue.

Malgré ces erreurs, les progrès des sciences furent immenses la scolastique prépara la philosophie; l'alchimie fit découvrir la chimie; les recherches du grand œuvre créèrent la physique.

CHAPITRE XV.

Arabes. Leur influence sur l'Europe.

Ce développement rapide des sciences, l'Europe le devait aux Arabes, qui, eux-mêmes, avaient recueilli, au sixième siècle, à Constantinople, les communications fécondes du génie grec, qui dès-lors devint étranger à l'Occident.

Errans et épars jusqu'au septième siècle, réunis à cette époque sous la puissance et la religion de Mahomet, les Arabes, sous les successeurs du prophète, étendirent leur domination avec une rapidité effrayante, et s'emparèrent de plusieurs provinces de l'empire de Byzance. Dès le troisième kalife, huit ans seulement après la mort de Mahomet, l'empire des Arabes était déjà immense. Ils ne tardèrent pas à porter leurs armes jusque sous les murs de Constantinople, qui ne fut préservée que par le feu grégeois.

Bientôt leurs conquêtes s'étendirent à l'occident: en 713, ils avaient conquis l'Espagne ;

en 732, ils occupèrent la province du Languedoc, où ils furent défaits par Karle Martel mais où ils laissèrent les germes et des monumens de leur génie. Peut-être le monastère d'Aurillac, où Gerbert puisa une science supérieure à celle de son siècle, avait-il reçu quelque souffle de cette inspiration.

Pendant long-temps, les sciences ne furent pas cultivées chez les Arabes; les huit ou dix premiers kalifes abassides seuls les protégè

• Suivant quelques conjectures, les Arabes n'auraient pas entièrement péri en France après leur défaite. Quelques débris de l'armée des Sarrazins, échappés à la victoire de Karle Martel, se seraient réfugiés sur les bords de l'Ain, et l'on retrouverait encore dans le bas Bugey, avec les traditions, les croyances, le costume et les mœurs arabes. Les hommes auraient conservé des turbans et des habits verts, brodés d'une couleur violette, avec des surtouts plissés en toile noire. Les femmes sont coiffées de turbans de laine frisée; leurs chemises sont ornées vers la gorge de figures arabesques, brodées en fil de couleur, et parfumées de safran; leurs robes sont vertes ; leur chaussure est un brodequin mi-parti de vert et de rouge. Leurs constructions ont un air mauresque, et leurs cheminées ressemblent à des minarets. Le foyer est au milieu de la maison, et autour sont des bancs où le soir, après avoir savouré le suc des pavots, ils écoutent dans une sorte d'extase les merveilles de Grenade et de Cordoue, les exploits des Abencerrages. (Mém. de l'Acad. celtiq., tom. 5, p. 2, 13, 14. )

2 Le couvent de Mont Maior, aux environs d'Arles, rappelle dans ses formes arabesques le génie et la domination des Arabes.

rent; les Ommiades, qui régnèrent avant eux, étaient uniquement occupés de leurs conquêtes, et plus tard les Abassides n'eurent plus assez de puissance pour leur être utiles.

Les Arabes trouvèrent l'instruction répandue en Égypte et dans plusieurs parties de la Perse. Ce dernier pays possédait, dès le troisième siècle de l'ère chrétienne, une école de médecine florissante, fondée par les Grecs. Plus tard, la persécution exercée contre les nestoriens contribua à répandre les sciences dans la Perse. Les nestoriens s'y réfugièrent presque tous, et on en trouve encore aujourd'hui un assez grand nombre répandus dans l'Asie, Les nestoriens ne restèrent pas dans la Perse; ils se répandirent dans tout l'Orient, et pénétrèrent même jusqu'à la Chine, où leur séjour est constaté par une inscription dont on a mal à propos nié l'authenticité au dix-huitième siècle'. Exilés sous le règne de deux empereurs consécutifs, ils fondèrent dans la Perse un grand nombre d'écoles célèbres, et qui étaient encore florissantes lorsque les Arabes firent la

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' CUVIER, Hist. des Sciences naturelles, 32o leçon.-Dans ce chapitre, nous avons surtout pris pour guide les trop courtes et immortelles leçons faites au collège de France, en 1830, par l'illustre professeur dont le monde savant regrettera long-temps le génie simple et profond, et les grands travaux restés imparfaits.

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