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Voltaire.

Für sich schon hat unter den neuern Sprachen die französifche vor allen übrigen als Briefsprache entschiedene Vorzüge, die fich in allen den Vorzügen gründen, welche ihr als umgangss sprache gebühren. Aber Voltaire hat diese Vortheile nicht bloß benugt, sondern durch sein Talent und so feines als reiches Ges fühl gar sehr erhöht. In der vollständigen Sammlung seiner Werke macht die Correspondance Générale allein fiebzehn Bände aus, und außerdem ist in den übrigen Bånden keine geringe Anzahl zerfreut enthalten. Und kein einziger von dieser großen Menge, dem nicht wenigstens irgend ein glücklicher und wißiger Gedanke, oder doch eine feine und sinnreiche Wendung zur Eme pfehlung gereichte. Auch in dieser Gattung ist die Fruchtbarkeit und Gewandheit dieses außerordentlichen Geistes bewundernss würdig.

AU PRINCE ROYALE DE PRUSSE.

A Cirey, le 20. Dec. 1737.

J'ai

Monseigneur!

'ai reçu, le 12. du prefent mois, la lettre de votre Alteffe royale du 19. Novembre; vous daignez mʼavertir, par cette lettre, que vous avez eu la bonté de m'adresser un paquet contenant des mémoires fur le gouvernement du Czar Pierre I., et en même temps, vous m'avertiffez, avec votre prudence ordinaire, de l'ufage retenu que j'en dois faire. L'unique ufage que j'en ferai, Monfeigneur, fera d'envoyer à votre Altelle Royale l'ouvrage rédigé felon vos intentions, et il ne paroitra qu'après que vous y aurez mis le fceau de votre approbation. C'est ainfi que je veux en user pour tout ce qui pourra partir de moi; et

c'eft

c'est dans cette vue que je prends la liberté de vous envoyer aujourd'hui, par la route de Paris, fous le couvert de Mr. Bork, une tragédie que je viens d'achever et que je foumets à vos lumières. Je souhaite que mon paquet parvienne en vos mains plus promptement que le vôtre ne me parviendra.

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Votre Alteffe Royale mande que le paquet contenant le mémoire du Czar et d'autres chofes beaucoup plus précieuses pour moi, eft parti le 10. Novembre. Voilà plus de fix femaines écoulées, et je n'en ai pas encore de nouvelles. Daignez, Monseigneur, ajouter à vos bontés, celle de m'inftruire de la voie que vous avez choisie, et le recommander à ceux à qui vous l'avez confié. Quand votre Alteffe royale daignera m'honorer de ses lettres, de fes ordres, et me parler avec cette bonté pleine de confiance qui me charme, je crois qu'elle ne peut mieux faire que d'envoyer les lettres à Mr. Pidol, maître de poste à Trêves; la feule précaution eft de les affranchir jusqu'à Trèves; et sous le couvert de ce Pidol, feroit l'adreffe à d'Artigny, à Bar-leDuc. A l'égard des paquets que votre Alteffe royale pourrait me faire tenir, peut-être la voie de Paris, l'adreffe à l'entremise de Mr. Thiriot feraient plus commodes.

Ne vous laffez point, Monseigneur, d'enrichir Cirey de vos préfens. Les oreilles de Madame de Chàtelet font de tous pays, aussi bien que votre ame et la fienne. Elle fe connoit très-bien en mufique italienne; ce n'est pas qu'en général elle aime la mufique de prince. Feu Mr. le Duc d'Orléans fit un opéra détestable nommé Panthée. Mais, Monfeigneur, vous n'êtes pour nous ni prince, ni roi; vous êtes un grand homme.

Beisp. Samml. 8. Bd. 1. Abth.

H

Од

*

On dit que votre Alteffe royale a envoyé des vers charmans à Madame de Popelinière. Savez-vous bien, Monfeigneur, que vous êtes adoré en France; 'on vous y regarde comme le jeune Salomon du Nord. Encore une fois, c'eft bien dommage pour nous que vous foyez né regner ailleurs. Un million ou moins de rente, un joli palais dans un climat tempéré, des amis au lieu des sujets, vivre entouré des arts et des plaisirs, ne devoir le respect et l'admiration des hommes qu'à foi-même, cela vaudroit peut être un royaume, mais votre devoir eft de rendre un jour les Pruffiens heureux. Ah qu'on leur porte envie!

Vous m'ordonnez, Mónfeigneur, de vous préfenter quelques regles, pour discerner les mots de la lanlangue françaife qui appartiennent à la profe, de ceux 'qui font confacrés à la poéfie. Il ferait à fouhaiter qu' y eut fur cela des régles; mais à peine en avons nous pour notre langue. Il me femble que les langues s'établiffent comme les loix: de nouveaux bésoins, dont on ne s'eft aperçu que petit à petit, ont donné naissance à bien des loix qui paroiffent fe contredire.

il

Il femble que les hommes aient voulu fe conduire et parler au hazard. Cependant, pour mettre quelque ordre dans cette matiére, je distinguerai les idées, les tours et les mots poétiques.

Une idée poétique, c'eft comme le fait votre Alteffe royale, une image brillante fubftituée à l'idée naturelle de la chose dont on veut parler; par exemple je dirai en profe: Il y a dans le monde un jeune prince vertueux et plein de talens, qui détefte l'envie et le fanatisme. Je dirai en vers:

O Minerve! ô divine Aftrée!
Par vous fa fagelle inspirée

Suivit les arts et les vertus.

L'envie au coeur faux, à l'oeil louche
Et le Fanatisme farouche

Sous les piés tombent abattus.

Une tour poétique, c'eft une inverfion que la profe n'admet point. Je ne dirai point en profe: D'un maitré efféminé corrupteurs politiques, mais corrupteurs politiques d'un prince efféminé. Je ne dirai point:

Tel, et moins généreux, aux rivages d'Epire,
Lorsque de l'Univers il disputoit l'Empire,
Confiant fur les eaux, aux aquilons mútins,
Le deftin de la terre, et celui des Romains,
Défiant à la fois et Pompée et Neptune,
Célar à la tempête oppofoit fa fortune.

Ce Céfar de la fixième ligne eft un tour purement poétique, et en profe je commencerais par Céfar.

vaux,

Les mots uniquement refervés pour la poésie, j'entends la poéfie noble, font en petit nombre; par exemple, on ne dira pas en profe courfiers pour che diadême pour couronne, empire de France pour royaume de France, char pour caroffe, forfaits pour crimes, exploits pour actions, l'empyrée pour le ciel, les airs pour l'air, faftes pour registre, naguère pour depuis peu, etc.

A l'égard du ftile familier; ce font à peu près les mêmes termes qu'on emploie en profe et en vers. Mais j'oferai dire que je n'aime point cette liberté, qu' on le donne fouvent, de mêler dans un ouvrage qui doit être uniforme, dans une épitre, dans une fatire, nou-feulement les ftiles différens, mais encore des

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langues

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langues différentes; par exemple celle de Marot, et celle de nos jours. Cette bigarrure me déplait autant que feroit un tableau où l'on mêlerait des figures de Calot et les charges de Teniers avec des figures de Raphaël. Il me femble que ce mélange gâte la langue, et n'eft propre qu'à jeter tous les étrangers dans l'erreur..

D'ailleurs, Monseigneur, l'usage et la lecture des bons auteurs en a beaucoup plus appris à votre Altesse royale que mes réflexions ne pourraient lui en dire.

Quant à la Metaphysique de Mr. Wolf, `il ́me paroît presque en tout dans les principes de Leibnitz, Je les regarde tous deux comme de três-grands philofophes; mais ils étaient des hommes, donc ils étaient fujets à fe tromper. Tel qui remarque leurs fautes eft bien loin de les valoir: car un foldat peut très-bien critiquer fon général, fans pour cela être capable de commander un bataillon.

Vous me charmez, Monseigneur, par la défiance où vous êtes de vous-même, autant que par vos grands talens. Madame la Marquise du Châtelet, pénétrée d'admiration pour votre perfonne, mêle fes respects aux miens. C'est avec les fentimens, et ceux de la plus refpectueuse et tendre reconnoillance que je fuis pour toute ma vie, etc.

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