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INSCRIPTION

Pour le tombeau de Dureau de La Malle.

1807.

Il n'est point tout entier dans la sombre demeure:
Il renaît dans son fils: son épouse le pleure;
Des devoirs les plus saints son cœur s'est acquitté.
Son talent rajeunit la docte antiquité (') :
Il soigna le malheur, secourut l'indigence;
Sa vertu pour lui seul ignora l'indulgence.
Le Parnasse lui dut ses plus chers nourrissons,
La morale un modèle, et le goût des leçons.
L'amitié le regrette, et la main du génie
A jeté sur sa tombe un rayon de la vie(2).

(1) Il a traduit Tacite, Salluste, et une grande partie de Tite-Live.

(2) MM. Girodet et Percier ont donné le dessin du tombeau de Dureau de La Malle.

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LES ADIEUX DU VIEILLARD,

Fragment récité à une séance publique de l'Institut,
le 9 avril 1812.

Ah! que n'ai-je un langage assez tendre, assez doux !
Je conterois comment un véritable sage
De la mort autrefois sut adoucir l'image.
Poëte philosophe, il avoit dans ses vers
Célébré la nature et chanté l'univers.
L'épouse qu'il aimoit, secondant son délire,

Joignoit ses sons touchants aux doux sons de sa lyre.
Mais pour durer toujours leur bonheur fut trop grand.
Elle, et quelques amis l'entouroient expirant :
Trop heureux que sa main lui fermât la paupière!
Sa voix lui confioit, à son heure dernière,
Non ces vœux des mourants, reçus par des ingrats,
Ces dons trop attendus, ces vains legs du trépas,
Écrits à la lueur des flambeaux funéraires,

De la nécessité tributs involontaires,

Mais les vœux de son cœur. Dieux! par quel doux transport

Il prolongeoit la vie, et reculoit la mort !

Ce n'étoit point l'effroi de ce moment terrible;

Du départ d'un ami c'étoit l'adieu paisible.

Viens là, viens, disoit-il, ô toi que j'aimois tant!
Né pauvre, je meurs pauvre, et j'ai vécu content.
Mais c'en est fait; reçois de ma reconnoissance
Ce peu que notre amour changeoit en opulence,
Tout ce luxe indigent, qui, sous nos humbles toits,
Égaloit à nos yeux l'opulence des rois.

Vois ces vases sans art: leurs formes sont vulgaires;
Mais nos chiffres unis te les rendront plus chères ;
Mais ils faisoient l'honneur de ce léger festin
Qui charmoit près de toi les heures du matin.
Hélas! le ciel pour moi ne marquera plus d'heures!
Reçois donc, disoit-il, de l'ami que tu pleures,
Cette image du temps, dont tu trompois le cours.
Puisse-t-elle, après moi, te marquer d'heureux jours!
Cette boîte, en mon sein si doucement cachée,
Qui par le trépas seul pouvoit m'être arrachée,
Et qui, de ton absence adoucissant l'ennui,
Sentoit battre ce cœur, et reposoit sur lui;
Détache-la! je souffre à me séparer d'elle;
Mais j'emporte en mon ame un portrait plus fidéle.
Le mien sera-t-il cher à tes tendres douleurs?
Sera-t-il en secret mouillé de quelques pleurs?
Ce fidéle animal, témoin de nos tendresses,
Qui long-temps entre nous partagea ses caresses,
Que j'ai vu si souvent, fier de me devancer,
Reconnoître ton seuil, bondir et m'annoncer,
Et qui, dans ce moment, les yeux gonflés de larmes,
Semble prévoir ma fin, et sentir tes alarmes,

Je le légue à tes soins. Puisse de nos amours
Le doux ressouvenir protéger ses vieux jours!
Vois-tu cette tablette, où sans faste s'assemble

Ce

peu d'auteurs choisis que nous lisions ensemble? Mon crayon y marqua les traits goûtés par

toi:

Tu ne les liras pas sans t'attendrir sur moi.
Tiens, reçois cet écrit, c'est mon plus cher ouvrage;
Tous ces portraits, de moi trop infidéle image,

Ne peignent que mes traits: celui-ci peint mon cœur.
J'y déposai mes voeux, mes plaisirs, ma douleur;
Ma défaillante main le fie à ta tendresse.
Dans cet écrit si cher, c'est moi que je te laisse,
C'est moi qui me survis: un sévère destin,
Hélas! avant le temps, l'arrache de ma main;
Mais il devra le jour à des mains que j'adore.

1

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A M. ALISSAN DE CHAZET,

Qui avoit adressé des vers à M. Delille, le jour de sa féte.

1812.

Cette fleur, que va m'envier
La moins avide des abeilles,
Suffit, j'en conviens, pour payer
D'un rimeur, simple jardinier,

Les plus ambitieuses veilles.

Mais la plus noble part du trésor printanier

Dont Flore remplit ses corbeilles,

Ne vaut pas un brin du laurier

Dont vous ceignez le front de l'aîné des Corneilles (1).

(1) Allusion à l'Éloge de P. Corneille, par M. de Chazet.

FIN DES POÉSIES FUGITIVES.

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