VERS POUR LE JARDIN DE MADAME D'HOUDETOT. O combien j'aime mieux vos riants paysages Et le chêne veut y vieillir. J'aime de vos gazons les nappes verdoyantes; Votre art veut émouvoir, et non pas éblouir : Pour vous, aimer c'est vivre, et rêver c'est jouir : Dès qu'on arrive à ce jardin charmant, Et l'oeil se promet une larme. Tout ici se conforme à vos tendres douleurs; Un jour mélancolique éclaire l'ombre obscure, Et pour exprimer vos regrets, La pierre même apprend à devenir sensible (1). (1) C'est le cas de placer ici une lettre charmante et inédite de madame d'Houdetot à Delille, pour le remercier de son poëme de l'Imagination, qu'il lui avoit envoyé. « Je ne puis, mon cher Delille, contenir ma reconnoissance et me taire sur le ravissement que j'ai éprouvé à la lecture de votre dernier ouvrage. Je dois tout encore à cette déesse que vous chantez si bien. Toi qui m'as rappelé les jours de ma jeunesse ; Delille, tu m'as tout rendu! Hélas! je vis ici avec des souvenirs dont vous n'avez pu mmm VERS SUR LE PORTRAIT DE MADEMOISELLE LA FAULOTTE. La douce rêverie et la vivacité, La gaieté jointe à la décence, La finesse avec l'innocence, Et la pudeur avec la volupté; trop vanter la puissance, et avec des ombres animées par la puissance de celle qui vous inspire, et qu'elle rend vivantes autour de moi. Pourquoi faut-il que je sois obligée de vous ranger au milieu d'elles? oh! si vous vouliez encore venir quelques instants les invoquer autour de moi, vous réaliseriez un moment de beaux songes à qui je dois encore tant de plaisirs. J'ai été tentée un moment d'être jalouse pour la mémoire de mon ancien ami (*), de tous les rayons de gloire qui vous environnent: mais je me suis dit qu'il en jouiroit s'il vivoit encore, et j'aime bien mieux m'associer à ses vertus. S'il est resté chez vous, mon cher Delille, quelque trace de ces moments délicieux que nous avons passés ensemble, réunis avec ce qui faisoit la gloire et les délices de notre temps, vous viendrez m'apporter ce que les dieux firent pour Énée, le rameau d'or nécessaire pour les aller retrouver dans l'Élysée. Songez que celle qui vous écrit a soixante-seize ans. » () M. de Saint-Lambert, auteur du poëme des Saisons. Voilà quel heureux assemblage A dû composer votre image. D'où vient qu'avec plaisir l'oeil saisit chaque trait De cette peinture fidéle? C'est qu'on trouve dans le portrait Ce qu'on chérit dans le modèle. Que dis-je? Le pinceau ne parle ici qu'aux yeux : Où sont ces chants délicieux, Ces harmonieuses merveilles Qui ravissent le cœur et flattent les oreilles? Son image sur nous auroit trop de pouvoir, Et si je pénétrois dans cette ame si pure, Je voudrois bien les peindre; mais, hélas! C'est le calice de la rose Dont le parfum s'exhale et ne se montre pas. VERS A M. CHARLES DE LACRETELLE, AUTEUR DU PRÉCIS HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION, Au tour facile, à la phrase nombreuse De l'historien de Néron; Tout seconde vos vœux ; la Discorde elle-même, Forme pour vous un concert unanime: Vos inexorables pinceaux, Mieux que la hache et que Par un supplice légitime, les échafauds, Même après leur trépas punissent nos bourreaux. J'aime à voir l'affreux Robespierre, Dont le nom seul effraie encor la terre, Sur les degrés sanglants de son trône abattu, Écrivant l'histoire du Crime. |