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sont morts dans la bataille. Mon père et ma mère, mes quatre frères, le vent a joué avec eux dans la mer. Le flot a battu le plancher de leur vaisseau. - Moi-même j'étais forcée de re-moi-même j'étais forcée de

-

cueillir leurs corps, veiller à leur sépulture,

moi-même j'étais forcée - de faire leurs funérailles. - Tout cela, je l'ai souffert en une année, - et pendant ce temps, -nul d'entre les hommes - ne m'a apporté de consolation. Cependant j'étais enchaînée

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et

quand six mois de cette année J'étais forcée de parer la

femme d'un chef de guerre

chaussure

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et de lui attacher sa

chaque matin. Elle me menaçait

par jalousie, et me frappait de rudes coups. » — Tout cela est vain, nulle parole ne peut mouiller ces yeux secs; il faut qu'on mette le corps sanglant sur ses genoux pour lui tirer des larmes. Alors elle éclate, s'affaisse, et les cygnes de sa cour répondent à ses cris. Elle mourrait, comme Sigrund, sur le cadavre de celui qu'elle a uniquement aimé, si par un breuvage magique on ne lui faisait perdre la mémoire. Ainsi dénaturée, elle part pour épouser Atli, le roi des Huns. Et néanmoins elle part, malgré elle, avec des prédictions sinistres. Car le meurtre engendre le meurtre; et ses frères, les meurtriers de Sigurd, attirés chez Atli, vont tomber à leur tour dans un piége pareil à celui qu'ils ont tendu. Gunnar est lié, et l'on veut qu'il livre le trésor; il répond avec l'étrange rire des barbares : « Je

demande qu'on me mette dans la main

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de mon frère Högni, le cœur sanglant, — arraché de la poitrine du puissant cavalier, du fils de roi, - avec un poignard émoussé. » — Ils arrachèrent le cœur de la poitrine de l'esclave Hjalli. et le portèrent à Gunnar...-Alors parla Gunnar,-le chef des hommes: << Ici est le cœur de Hjalli le lâche.

--

Ils le mirent sanglant sur un plat

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- Il ne ressemble pas au cœur de Högni le brave. Il tremble beaucoup -maintenant qu'il est sur

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Högni rit- lorsqu'on

- jusqu'au cœur vivant

du guerrier qui savait arranger le panache des casques. Il ne pensa pas du tout à pleurer. Ils mirent le cœur sanglant dans un plat et le portèrent à Gunnar. - Gunnar, d'un visage serein, parla ainsi, - le vaillant Niflung! « Voici le cœur d'Högni le brave! Il ne ressemble pas au cœurde Hjalli le lâche. qu'il est dans le plat. Il tremblait beaucoup moins quand il était dans sa poitrine.

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Il tremble peu -maintenant

Atli, aussi loin de mes yeux

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Que

que

tout

n'es-tu, tu seras toujours loin de nos colliers, de notre trésor! A moi seul est confié maintenant le trésor caché, -toute la richesse des Niflungs. Car Högni n'est plus parmi les vivants. — Je n'étais point rassuré tant que nous vivions tous deux. Mais maintenaut je suis tranquille, car je survis seul. » Suprême insulte de l'homme sûr de

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soi, à qui rien ne coûte pour s'assouvir, ni sa vie ni celle d'autrui. On l'a jeté parmi les serpents, et

il

y est mort, frappant du pied sa harpe. Mais la flamme inextinguible de la vengeance a passé de son cœur dans celui de sa sœur; cadavre sur cadavre, on les voit tomber tour à tour l'un sur l'autre; une sorte de fureur colossale les précipite les yeux ouverts dans la mort. Elle a égorgé les enfants qu'elle a eus d'Atli, elle lui donne à manger leurs cœurs dans du miel, un jour qu'il revient du carnage, et rit froidement en lui découvrant de quelle pâture il s'est repu. Les Huns hurlent, et sur les bancs, sous les tentes, chacun pleure; elle ne pleure point; elle n'a point pleuré depuis la mort de Sigurd, ni sur ses frères «< au cœur d'ours, » ni sur « ses tendres enfants, ses enfants sans défiance. » La nuit venue, elle égorge Atli dans son lit, met le feu au palais, brûle tous les serviteurs et toutes les femmes guerrières. Jugez par ce monceau de dévastations et de carnages à quels excès la volonté ici est tendue. Il y avait des hommes parmi eux, les Berserkirs' qui, dans la bataille, saisis par une sorte de folie, déchaînaient tout d'un coup une force surhumaine et ne sentaient plus les blessures. Voilà le héros tel qu'il est conçu dans cette race à sa première aurore. N'est-il pas étrange de les voir mettre le bonheur dans les batailles et la beauté dans la mort? Y at-il un peuple, Hindous, Persans, Grecs ou Gaulois,

1. Ce mot désigne les hommes qui combattaient sans cuirasse, probablement vêtus d'une simple blouse.

qui se soit formé de la vie une conception aussi tragique? Y en a-t-il qui ait peuplé sa pensée en fantine de songes aussi funèbres? Y en a-t-il un qui ait chassé aussi entièrement de ses rêves la douceur de la jouissance et la mollesse de la volupté? L'effort, l'effort tenace et douloureux, l'exaltation dans l'effort, voilà leur état préféré. Carlyle disait bien que dans la sombre obstination du travailleur anglais subsiste encore la rage silencieuse de l'ancien guerrier scandinave. Lutter pour lutter, c'est là leur plaisir. Avec quelle tristesse, quelle fureur et quels dégâts un pareil naturel se déborde, on le verra dans Byron et dans Shakspeare; avec quelle efficacité, avec quels services il s'endigue et s'emploie sous les idées morales; on le verra dans les puritains.

IV

Ils viennent s'établir en Angleterre, et si désordonnée que soit la société qui les assemble, elle est fondée, comme en Germanie, sur des sentiments généreux. La guerre est à chaque porte, je le sais, mais les vertus guerrières sont derrière chaque porte; le courage d'abord, et aussi la fidélité. Sous la brute il y a l'homme libre et aussi l'homme de cœur. Il n'y a point d'homme parmi eux qui, à ses propres risques', ne puisse faire des ligues, aller

1. Voyez la vie de Sweyn, d'Hereward, etc., même au temps de la conquête.

combattre au dehors, tenter les entreprises. Il n'y a pas de groupe groupe d'hommes libres parmi eux qui dans leur Witanagemot ne renouvelle incessamment ses alliances avec autrui. Chaque parenté, dans sa marche forme une ligue dont tous les membres, « frères de l'épée, » se défendent l'un l'autre, et réclament l'un pour l'autre, aux dépens de leur sang, le prix du sang. Chaque chef dans sa salle compte qu'il a des amis, non des mercenaires dans les fidèles qui boivent sa bière, et qui ayant reçu de lui, en marque d'estime et de confiance, des bracelets, des épées et des armures, se jetteront entre lui et les blessures le jour du combat'. L'indépendance et l'audace bouillonnent dans ce jeune monde avec des violences et des excès; mais en elles-mêmes ce sont des choses nobles, et les sentiments qui les disciplinent, le dévouement affectueux et le respect de la foi donnée ne le sont pas moins. Ils apparaissent dans les lois; ils éclatent dans la poésie. C'est la grandeur du cœur ici qui fournit à l'imagination sa matière. Les personnages ne sont point égoïstes et rusés comme ceux d'Homère. Ce sont de braves cœurs, simples et forts, « fidèles à leurs parents, à leur seigneur dans le jeu des épées, fermes et solides envers ennemis et amis, prodigues de courage et disposés au sacrifice.. « Tout vieux que je suis, dit l'un d'eux, je ne bougerai pas d'ici. Je pense à mourir au côté de mon seigneur,

1. Beowulf, passim. Death of Byrhtnoth. 2. Gens nec callida, nec astuta. » Tacite.

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