De ces trois traductions, j'ose préférer la première; elle seule rend le parvulus Aneas luderet; mais aucune n'a rendu qui te tantùm ore referret, qui te ressemblât seulement par les traits. Had you deferr'd, at least, your hasty flight, DRYDEN. Ah! had I brought, before thy fatal flight, ** *Si, du moins, tu avais différé ta prompte fuite, et laissé, après toi, quelque gage de nos délices, quelqu'enfant pour charmer la triste vue d'une mère, quelque jeune Enée pour tenir ta place, dont les traits rappelleraient la figure de son père; je ne me plaindrais pas de vivre privée de tout mon époux, et d'être entièrement abandonnée. ** Ah! si j'avais amené, avant ta fatale fuite, quelque petit gage de nos amours à la lumière; If in my regal hall I should survey Some princely boy, some young Æneas play; I should not seem quite widow'd and undone. * PITT. Ce dernier est le seul qui ait rendu toutes les pensées de l'original, et il me paraît bien supérieur aux quatre autres traducteurs. Mais, comme dit Johnson, un passage isolé ne décide pas du mérite d'un grand ouvrage; et si le critique est pour Pitt, le lecteur est pour Dryden. IL existe une traduction anonime de la Henriade en vers anglais. L'auteur a maladroitement choisi la poésie non rimée pour traduire un poëme qui a, même à l'excès, peut-être, tous les caractères de la poésie rimée. On reproche, en effet, aux vers de la Henriade, *si, dans ma royale cour, je voyais quelque prince enfant, quelque jeune Enée folâtrer, ta chère ressemblance, mais dans les traits seulement, je ne paraîtrais pas tout à fait veuve et perdue. d'être trop détachés, et de tomber trop uniformément deux à deux. Etait - il possible de les rendre par des vers dont l'essence est de s'étendre, de s'entremêler sans cesse? Aussi on éprouve, en lisant cette traduction, une espèce de contradiction perpétuelle on croit lire des vers rimés, et sans cesse on est désappointé par l'absence de la rime. Mais, même avec son secours, l'anonime n'aurait pas mieux réussi : il n'était pas poëte. LA JÉRUSALEM délivrée a été traduite avec beaucoup plus de succès par un auteur encore vivant, nommé Hoole. Quoique la poésie rimée fût moins nécessaire pour la traduction d'un poëme italien que pour celle d'un poëme français, Hoole me paraît avoir fait sagement de la préférer. Il a, selon moi, donné une autre preuve de goût en resserrant les vers un peu diffus de l'original. L'italien aime à ajouter des pensées aux pensées; c'est un ruisseau qui, charmé de ses rives, y prolonge, y répète ses detours: l'anglais veut une marche plus rapide; autant il aime l'abondance dans le poëme descriptif, autant il dédaigne, dans l'épopée ou la tragédie, tout ce qui embarrasse ou retarde ses pas. Le traducteur enfin, ne négligeant aucunes des beautés réelles de l'original, a évité tous ces concetti qu'on lui reproche. Hoole a pris tout l'or du Tasse, et en a laissé le clinquant. Il me semble que les rapprochemens de deux langues étrangères peuvent avoir quelque chose de piquant pour des lecteurs français, et cette idée me détermine à multiplier mes citations. SOFRONIA. La vergine tra'l volgo uscì soletta, *La jeune vierge, à travers du peuple, sort seule sans cacher ses attraits, sans les exposer; Raccolse gli occhi, andò nel vel ristretta, IL TASSO, canto 2. Through gazing throngs alone the virgin goes, HOOLE, book 2. *elle recueille ses yeux, marche retirée sous son voile, avec des manières réservées et nobles. Vous ne sauriez dire si elle est parée ou négligée, si l'art ou le hazard compose son beau visage. De la nature, de l'amour, du ciel qui l'aime, ses négligences sont des artifices. ** A travers la foule qui l'admire la vierge va seule, et ne cherche ni à cacher ses beautés, ni à les découvrir ; sur sa belle figure un voile décent est jeté, ses yeux se baissent d'un air modeste et gracieux; une négligence sans art compose sa parure, et les grâces simples de la nature sont révélées par ses charmes. |