Blin dèSains Permets que, pourfuivant un fi cher entretien, Mon coeur, en liberté, s'épanche dans le tien." Sur un fonge trompeur, que le hafard fit naître, Mon efprit, vainément, 's'epouvante peut-être ; Peut-être auffi le Ciel, qui veut t'en garantir, Par moi feule, aujourd'hui te le fait preffentir; Enfin, foit que ma crainte, injuftement fondée, De cet affreux objet me rempliffe l'idée, Soit que, pendant la nuit, le tableau du passé Dé mon efprit confus ne foit point effacé. A peine du fommeil la faveur paffagere Vient fuspendre mes maux et fermer ma paupière, Qu'à mes yeux effrayés un spectre menaçant Sort du fond de la tombe avec un cri perçant: Un fceptre eft à fes pieds: la mort qui l'environne, De fes voiles affieux enveloppe le trône,
Que vois je, m'écriai je! Ah! Valois, eft ce vous ? Oui, c'est moi, me dit-il, qui tombai tous les
„D'un peuple qu'un faux zele a conduit dans le cri
Grand Dieu, fais que j'en fois la derniere victi- me!"
Le fpectre fuit; tout change, et mon oeil étonné, De tes nombreux fujets te trouve environné; Mais tandis qu'enivrés de tendresse et de joïe, Tous les coeurs aux plaifirs s'abandonnent em proie,
Soudain, armé d'un fer, un monftre furieux
Vient, vole, approche, frappe... et tout fuit à mes
De la Ligue, en un mot, crains l'hydre menaçantę : Dans l'ombre de la nuit fa tête renaiffante Se cache, en méditant des projets pleins d'horreur: Son repos eft à craindre autant que fa fureur. Ecarte loin de toi ces Moines politiques, Qui, fous un front timide efclaves despotiques, Fameux dans l'art de feindre, et prêts à tout ofer, Ne rampent près des Rois que pour les maîtriser. Crains qu'un autre Clément, du fein de la pouffiere, Ne puiffe quelque jour de fa main meurtriere,
Croyant venger l'Eglife, et mépfifant fes loix, Blin de Sain Te joindre dans la tombe au dernier des Valois.
HE! quoi, me diras-tu, ce peuple que j'ado
Quand je le rends heureux, voudroit me perdre encora!
Si Bourbon autrefois s'eft armé contre lui, Bourbon pour les bienfaits veur le vaincre au- jousd'hui,
Le François pour moi feul fera-t-il inflexible? Oui, je fais que ce peuple eft né brave et fenfible, Que fon coeur aifément fe laiffe défarmer, Et que par la clémence on peut s'en faire aimer. Mais ne fais-tu donc pas jusqu' où le fanatisme Sur l'efprit des humains étend fon defpotisme? Peins toi ce jour affreux, à l'horreur confacré: 7)) Vois, parmi les mourans, Coligny maffacré : C'eft-là que, fous les coups et la haine de Rome, Traîné dans la pouffiere, expira ce grand homme; Entends-tu ces clameurs, ces lamentables cris? Vois le fang, à grands flots, ruiffeler dans Paris, Reconnois à ces traits, dont frémit la nature, De nos Prêtres cruels la funefte imposture.
O Peuple trop crédule! ô François généreux, Quel Prince peut jamais vous rendre plus heureux? Qui, parmi les humains, fut plus digne de vivre? Hélas! où courez vous? Quelle ardeur vous eni-
Quoi, le meilleur des Rois tomberoit fous vos coups!
Barbares... arrêtez... ô Ciel! que faites-vous? Arrêtez... Si le meurtre a pour vous tant de charmes,
Tournez contre mon fein vos parricides armes: Baignez-vous dans mon fang, frappez, déchireż moi
Frappez... mais refpectez les jours de votre Roi...
Blinde Saine Mais que dis- je! & François! vous fentez mes alar
De vos yeux attendris je vois couler des larmes : Vous fremiffez, vos fens font faifis de terreur: Pour commettre ce crime, il vous fait trop hor-
Non, vous ne portez point des coeurs auffi coupa- bles;
D'un fi noir attentat vous n'êtes point capables; Peuple, que dans vos coeurs ce Roi vive à jamais! Songez à votre amour, fongez à fes bienfaits.
NE crains rien, cher amant: va, crois moi, la
N'enfante point trois fois un coeur affez parjure, Un monftre affez cruel pour former ce dessein, Qui, d'un Prince fi bon vaudroit percer le fein? Henri, t'en fouviens - tu, quand la Parque en furie 8) S'apprêtoit à couper la trame de ta vie?
Hélas! tout le fardeau du célefte courroux Partit, en ces momens, s'appéfantir fúr nous.
De quels cris douloureux nos Temples retentirent! Tout s'émût, tout trembla, tous les coeurs s'atten- drirent.
Mais tout changea bientôt, quand, vainqueur du trépas,
Tu vis l'abyme affreux renferme fous tes pas.
Quels doux emportements! la France avec fon Maî
Des portes du tombeau fembloit auffi renaître: Tu parûs, et chacun voulut revoir fon Roi:
Tout un Peuple, en pleurant, voloit autour de toi. Hélas, fa douleur feule égala fon ivresse!
Quel Peuple pour fon Roi montra plus de ten- dreffe!
Par de nouveaux bienfaits refferre ce lien :
Pourfuis, que fon bonheur foit à jamais le tien;
Henri IV. tomba malade, et toute la France trembla pour les jours.
Que, parmi les Héros de ta race immortelle, Louis douze, 9) à ton coeur, ferve en tout de mo-
Qu' écrit en lettres d'or, dans les faftes des Cieux, Son regne, pour jamais, foit préfent à tes yeux; Des flatteurs, comme lui, redoute l'artifice; Que près de toi, la paix marche avec la juftice; Sous le poids accablant des fubfides affreux, Hélas, n'écrafe point tes peuples malheureux; Que dans tous tes confeils la fageffe préfide; Qu'en ton ame toujours l'humanité réfide. Que dis-je, cher amant, excuse mon erreur; Quelle eft donc la vertu qui n'eft point dans ton coeur?
Hélas! je m'en fouviens, quand déployant fes ailes, La mort couvroit Paris de les ombres cruelles ; Quand, tout fouillé de fang, un peuple factieux Sur des morts entaffés croyoit monter aux Cieux; Quand, le Christ à la main, nos Prêtres fanguinai-
Excitoient les enfants à massacrer leurs peres: „O Paris, difois - tu, les yeux baignés de pleurs, „Je ne puis à préfent que plaindre tes malheurs; ,,Mais fi jamais le Ciel, 10) trompant mon efperan-
Fait tomber dans mes mains le Sceptre de la Fran
Si du Maître des Rois l'immortelle clarté
" Fait, du fein de l'erreur, fortir la vérité,
„Peuple, que je cheris, ô François, ô mes Freres. Qu'avec plaifir ma main finira vos miferes! Ah! combien votre fang me fera précieux! Vous que l'erreur conduit, Prêtres féditieux, Coupables proteftans, Catholiques rebelles, Sous un Roi réunis vous feriez tous fideles.
9) Louis XII. furnommé le Pere du Peuple.
1) Lors du maffacre de la Saint Barthelmi; Henri IV Roi de Navarra, ne pouvoit point espérer de monter fur le Trône de la France.
Blin deSaine Dans les utiles jours d'une éternelle paix,
» J'enchaînerai vos coeurs par le noeud des bienfaits."
BARBARES partifans des maximes iniques; O vous, Rois orgueilleux, vous, Princes tyranni- ques,
Qui, fignalant vos jours par de fanglans projets, Sous un fceptre de fer accablez vos Sujets, Venez, jettez les yeux fur cet Empire immenfe, Voyez y ce Monarque; il tient par fa clémence Tous les coeurs de fon Peuple enchaînés fous fes lois;
L'orgueil fait les Tyrans, la bonté fait les Rois.
La bonté des Bourbons n'eft point cette foi- bleffe
Qui, fille de la crainte, et foeur de la molleffe, Céde par indolence, ou fuit par lâcheté, Et qu'on brave toujours avec impunité. C'est cette fermeté, c'est cetté audace heureuse, Qui, quelquefois févere, et toujours généreuse, Soulage d'une main les maux que l'autre a faits; Qui ne fait fe venger qu'a force de bienfaits; Qui, lorsque fa victime à fes coups s'abandonne, Au lieu de l'ecrafer, s'attendrit et pardonne. O France! c'eft ainfi que, te voyant périr, Henri, par fa clémence, a fû te conquérir. Ainsi, lâche Biron, à ta perfide audace 11). Ce Prince, qui t'aimoit, offrit cent fois la grace: Mais ton orgueil força ce Roi défefpéré.
A te rendre au tombeau dont il t'avoit tiré.
11) Biron confpira contre Henri IV. qui lui avoit fauvé fa vie a Fontaine-Françoife, et fût damné à être décapité, malgré le Roi qui vouloit lui pardonner. On fait combien les Defcendans de cette illuftre Maison ont réparé fon crime, tant par les fervices qu'ils ont renduș à la France, que par l'attachement qu'ils ont toujours eu depuis pour leurs Rois.
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