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No. XXII.

Alexandrie, le 18 Thermidor.

Précis du Combat entre l'Armée Navale Françoise, et celle Britannique, aux ordres du Contre Amiral NELSON, et dans la soirée et nuit du 14 au 15 Thermidor, an 6.

A
DEUX heures du soir le vaisseau l'Heureux signala 12
voiles à l'O.N.O. Nos vigies les apperçurent en même tems,
et en comptèrent successivement jusqu'à 16. On ne tarde
pas à reconnoître ces bâtiments pour une escadre Angloise
composée de 14 vaisseaux, et 2 bricks.

Les ennemis faisant route, forçant de voiles pour le mouillage de l'armée, ayant un brick à sonder devant. Le vent étoit au nord, joli frais.

Les bricks l'Alceste et le Railleur avoient eu ordre de mettre sous voile, et de se lever au vent, pour empêcher la manœuvre de cette mouche.

Les signaux de branle bas, et de se preparer au combat, prevenir l'armée qu'elle combattra à l'ancre, rappeller les équipages à leurs bords respectifs, avoient eu lieu à trois

heures.

Les chaloupes qui étoient à l'aiguade avoient également été rappellées; un canot de l'Artémise avoit été détaché sur les bancs de Rosette, pour prevenir les transports qui y étoient mouillés, de l'apparition de l'ennemi; et enfin, les frégates et les corvettes avoient eu ordre de verser leurs équipages sur les vaisseaux.

L'escadre ennemi continuoit de s'avancer sur toutes voiles, après avoir donné un grand tour aux brisans qui bordent

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l'isle: elle avoit tenu le vent diminué de voiles, et annonçoit le dessein d'attaquer notre armée.

A cinq heures trois-quarts la batterie de l'islot avoit jetté quelques bombes qui portoient sur les vaisseaux de tête de la ligne ennemie. A six heures moins quelques minutes, le Général avoit fait le signal de commencer le combat, et peu de tems après, le deux avant gardes se cannonoient.

Plusieurs vaisseaux ennemis ayant diminué tout-à-coup de voiles, avoient doublé la tête de notre ligne, et mouillant leurs ancres avec le cable par derrière, avoient élongé en draguant notre ligne du côté de terre, tandis que les autres mouilloient à portée de pistolet, de l'autre bord: par cette manœuvre tous nos vaisseaux, jusqu'au Tonnant se trou vèrent envelloppés.

Il nous parut que deux vaisseaux, en exécutant cette manœuvre, avoient échoués; mais l'un d'eux ne tarda pas à se retirer.

L'attaque et la défense furent extrêment vives: tous les vaisseaux de tête, jusqu'à notre matelot derrière, étoient pris des deux bords, et souvent par la hanche. Dans ce désordre et envelloppé d'un nuage continuel de fumée, il eut été difficile de distinguer les mouvemens de la ligne.

Au commencement de l'action, l'Amiral, tous les officiers majors, le commissaire ordonnateur, et un vingtaine de timoniers ou autres transports se trouvoient sur la dunette, occupées à la mousquetterie. Tous les soldats, les hommes mêmes de la manœuvre étoient descendus aux batteries par ordre de l'Amiral, à celle de douze il manquoit plus de la moitié de son équipage.

Après une heure d'action le Général fut blessé à la figure et à la main, et étant descendu à la dunette, il fut renversé, et tué quelque tems après sur le gaillard derrière.

Obligé de continuer à nous battre des deux bords, on avoit abandonné la batterée de douze, mais celles de 24 et de 36 continuoient leur feu avec la plus grande ardeur. Le

Franklin et le Tonnant nous paroissoient être dans une posi tion aussi critique que la notre.

Les vaisseaux ennemis ayant exterminé nos vaisseux de tête, se laissoient dériver en draguant, et prenoient divers po sitions autour de nous. Nous - - par la tête, obligé à filer divers fois du cable ou du grelin, pour leur présenter le

travers.

Un vaisseau cependant ennemi nous combattant par stribord, et presque à toucher, avoit déjà été demâté de tout inât, et ne tirant plus, avoit coupé son cable pour se retirer du feu, mais obligé à nous défendre contre deux autres qui nous foudroyoient par la hanche de babord, et de bossoir de stribord, on avoit été obligé de refiler du cable.

La défense des batterées de 24 et 36, continuoit avec vivacité, quand le feu se manifesta sur la dunette par une explosion: nous avions déjà eu le feu dans un bateau, et ayant fait couper l'ancre, nous nous en étions préservées. Un hamac et des débris enflammés avoient également été jettés à la mer à cette troisième fois le feu avoit fait dans un instant des progrès rapides et dévorans parmi tous les débris dont la dunette étoit couverte. Les pompes d'incendie avoient été brisées par les boulets; les bailles, et les scéaux renversés.

L'ordre de cesser le feu des batteries, pour que tout le monde se porte à faire passer de l'eau, avoit été donné ; mais l'ardeur étoit telle que, dans le tumulte, la batterie de 36 continuoit son feu. Quoique tous les officiers ordonnassent de faire monter tout le monde en haut, l'incendie avoit fait en peu de tems du progrès désesperant, et nous avions peu de moyens à lui opposer.

Notre grand mât et celui d'artimon étoient tombés, et bientôt nous ne vimes plus de salut pour le vaisseau; le feu ayant gagné tout le gaillard derrière et même la batterie de douze.

Le Capitaine du vaisseau, et son second étoient blessés de

puis quelque tems. Le Général Ganteaume alors donne l'ordre d'ouvrir les robinets et d'abandonner le vaisseau.

Le feu avoit pris à environ dix heures moins un quart, et à dix et demie le vaisseau sauta en l'air, quoiqu'on ait eu la précaution d'ouvrir les robinets. Partie de l'équipage se sauva sur les débris, et d'autres y périrent.

Le combat continua toute la nuit à l'arrière garde, et au jour nous distinguames que le Guerrier, le Conquérant, le Spartiate, l'Aquillon, le Peuple Souverain, et le Franklin avoient amené et s'étoient rendus à l'ennemi; le Tonnant démâté de tous mâts étoit à queue, son pavillon haut; l'Heureux et le Mércure échoués furent combattus et forcés d'amener dans la matinée; l'Artémise brûloit à huit heures du matin, et la Sérieuse étoit coulée par le travers du vaisseau de tête.

Le Guillaume Tell, le Genereux, le Timoleon, la Diane, et la Justice, leurs pavillons haut, se cannonèrent avec quelques vaisseaux Anglois une partie de la matinée; mais cette division, à l'exception du Timoleon, mit à la voile à 10 ou II heures du matin et poussa au large.

Le Timoleon se jetta sur la côte, et nous avons appris depuis, que le capitaine, après avoir sauvé tout son équipage, incendia, le 16 au matin, ce vaisseau pour empêcher qu'il ne devint la proie de l'ennemi.

Tels ont été les résultats de cette horrible affaire, et nous les avons tracés tels qu'ils se sont présentés à notre mémoire, n'ayant pû conserver aucun papier ni note écrite.

Le Contre Amiral GANTEAUME.

TRANSLATION.

Alexandria, August 5th.

Abstract of the Engagement which took place on the night of the first of August, between the French Fleet, and that of Great Britain, under the command of Rear Admiral NELSON.

Ar two in the afternoon, the Heureux threw out a signal of 12 sail in the W.N.W. Our men on the look out, discovered them at the same time, and counted successively as many as 16. We were not long in recognizing these vessels to be an English squadron, composed of 14 sail of the line and two brigs.

The enemy steered for our anchoring ground, with a press of sail; having a brig sounding a head. The wind was N. and rather fresh.

The two brigs, the Alceste and the Railleur, were immediately ordered to make sail to windward, to prevent the enemy's light vessel from continuing her soundings.

The signals for stowing the hammocks, and making ready for fight; for announcing the resolution of engaging at anchor; and for recalling the men on board their respective ships, were all made at three.

The long boats employed in watering were also recalled: a boat was hastily dispatched from the Artémise to the shoals of Rosetta, to acquaint the transports there with the appearance of the enemy; and finally, the frigates and corvettes were ordered to send as many of their men as possible on board the ships of the line.

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