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une escadre Angloise forte de 13 grosses voiles, commandée par Nelson, mouilloit dans les eaux de Naples, et épioit nos mouvemens. Bonaparte instruit de la présence de l'ennemi, donne à peine à son escadre le tems de faire de l'eau, il ordonne qu'on mette à la voile, et, le 30 Prairial, l'armée et l'escadre sortent du port de Malte. Nous forçons de voile pour atteindre le second but de notre expédition. Le 7 Messidor, nous signalons l'isle de Candie, enfin, le 12 notre escadre légère signale Alexandrie.

Le même jour, à midi l'escadre de l'Amiral Nelson arrivoit en face du port de cette ville, et offroit aux Turcs de mouiller dans leur port, pour les défendre contre nous; cette offre refusée, l'Anglois met à la voile, fait route sur Cypre, tandis que nous, profitant de toutes ses fautes et utilisant son ineptie, nous descendons la nuit du 13 au 14 sur Marabou ou la Tour des Arabes; à la pointe du jour, toute l'armée étoit à terre. Bonaparte se met à la tête, marche droit sur Alexandrie à travers un désert de trois lieues qui n'offroit pas même de l'eau pour ressource dans un climat où la chaleur est insupportable.

Malgré toutes ces difficultés, nous arrivons sous les murs; une garnison d'à peu près 500 Janissaires, les défendoient.-Le reste de la population de la ville se jette dans les forts, d'autres se portent sur leurs toîts. Ainsi disposés, ils attendent notre attaque, la charge bat, nos soldats se précipitent avec fureur sur les remparts qu'ils escaladent, malgré la défense opiniâtre des attaqués plusieurs généraux sont blessés, entr'autres Kleber. Nous perdons à peu près 150 hommes, mais la valeur met fin à l'opiniâtreté des Turcs. Ceux-ci repoussés de tout côté, se refugient chez leur Dieu et

leur Prophète; ils remplissent leurs mosquées; hommes, femmes, vieillards, jeunes, et enfans, tous sont massa- 、 crés. Au bout de quatre heures, nos soldats mettent fin à leur fureur-la tranquillité renaît en ville-plusieurs forts capitulent; j'en ai moi-même fait rendre un où 700 Turcs s'étoient retirés. La confiance reprend enfin dans la ville, et le lendemain tout étoit tranquille.

C'est ici le moment de faire une petite digression pour vous mettre au fait du sujet qui nous amène sur ces terres, et va engager Bonaparte de s'emparer de l'Egypte.

La France, par les divers événemens de cette guerre, et de sa révolution, perdant ses colonies, ses comptoirs, verroit infalliblement décheoir son commerce, et un peuple aussi industrieux seroit enfin obligé de négocier en secondes mains les objets les plus essentiels de son commerce; plusieurs probabilités font envisager comme impossible au gouvernement, sinon de récupérer nos colonies, du moins d'en tirer l'avantage que nous en avions, surtout après la destruction et les horreurs qui se sont commises, joint au décret d'abolition.

Pour s'indemniser d'une perte qui paroît presque réelle, le gouvernement a jetté les yeux sur l'Egypte et la Syrie, contrées qui par leur climat, la bonté de leur sol, et leur fertilité, peuvent devenir les greniers du commerce de la France, son magazin d'abondance, et par la suite des tems l'entrepôt de son commerce des Indes: il est indubitable qu'après nous être emparés et organisés dans ce pays, nous pouvons jetter nos vues plus loin, et par la suite détruire le commerce Anglais dans les Indes, l'utiliser à notre profit, nous rendre les souverains du commerce mêine de l'Afrique et l'Asie...

Toutes ces considérations ont engagé, selon moi, le gouvernement à tenter une expédition sur l'Egypte.

Cette partie de la puissance Ottomane est gouvernée depuis plusieurs siècles par une espèce d'hommes que l'on appelle Mamelouks, qui ayant à leur tête des Beys, méconnoissent l'autorité du Grand Seigneur, gouvernent despotiquement et tyranniquement un peuple et un pays qui entre les mains d'une nation policée, deviendront une source de richesses.

C'est donc à ces Mamelouks qu'il faut faire la guerre pour occuper l'Egypte; leur nombre est d'à peu près 8000, tous à cheval, ils ont 24 Beys pour les commander. Il est important que vous connoissiez un peu ce que sont ces soldats, leur manière de faire la guerre, et leur armure et origine.

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Tout Mamelouk est acheté-ils sont tous du Mont Caucase, et de la Georgie.-Il y a parmi eux beaucoup d'Allemands, Russes, même quelques François. Leur religion est la Mahometane. Exercés dès leur jeunesse à l'art militaire, ils sont d'une adresse extraordinaire à cheval, à tirer la carabine, le pistolet, à lancer des traits, des masses d'armes, enfin à sabrer, l'on en a vu couper d'un coup de sabre une tête de coton mouillé.

Chaque Mamelouk a 2, 3, même 4 domestiques. Ceux-ci le suivent toujours à pié, même dans les combats. L'armure du Mamelouk à cheval est de deux grands fusils, que chacun de ses domestiques porte à côté de lui. Ils ne les décharge qu'une fois; il saisit ensuite deux paires de pistolets qu'il a autour de son corps, puis huit flèches qu'il porte dans un carquois, et qu'il jette fort adroitement avec sa main, puis se sert de la masse d'armes pour assommer. Enfin sa dernière

ressource sont deux sabres. Il saisit la bride entre ses dents, armé d'un sabre dans chaque main, il court sur son ennemie, et taille à droite et à gauche ; malheur à qui ne pare pas ses coups. Il en est qui taillent un homme en deux. C'est à cette espèce d'hommes que nous allons faire la guerre. Je vais actuellement entrer dans les détails des combats que nous avons essuyés de leur part.

Après avoir organisé à Alexandrie un pouvoir gouvernant, avoir assûré la communication sur les derrières de notre armée, Bonaparte fait prendre pour 5 jours de vivres à son armée, et se prépare à traverser un désert de 20 lieues pour arriver à l'embouchure du Nil, et remonter ce fleuve si célebre jusqu'au Grand Caire, qui est le premier but de son opération. Le 17 Messidor, l'armée se met en marche, remonte à petites journées ce fleuve, rencontrant quelques partis de Mamelouks qui fuirent successivement à notre approche. Enfin, le 24 le Général Bonaparte apprend que les Beys ont marché sur lui avec leurs forces réunies, qu'il doit être attaqué le lendemain. Il organise sa marche de bataille, et prend des précautions.

Bonaparte m'envoye avec trois chaloupes canonnières à la découverte. Je pousse avec cette petite flotille 3 lieues en avant de l'armée. Je descens successivement dans tous les villages situés sur les deux rives du Nil, pour avoir des renseignemens sur les Mamelouks. Dans les uns, je suis accueilli à coups de fusil, d'autres viennent au devant de moi, me reçoivent bien, m'offrent des vivres, Dans un d'eux, il m'arriva un événement drôle et singulier; le Cheick du pays ayant réuni toute sa population, pour venir au devant de moi, s'approche et me demande de quel droit les Chrétiens venoient s'emparer d'un pays qui appartenoit ou Grand Seigneur. Je lui ré

pondis que c'étoit la volonté de Dieu et de son Prophete Mahomet qui nous y conduisoit; mais, me répliqua-t-il, le Roi de France aura au moins prévenu notre Sultan de cette démarche. Après l'avoir rassuré affirmativement sur cette demande, il me demandoit comment se portoit notre roi? Je lui répondis, fort bien. Puis il me jura sur son turban et sur sa barbe que j'étois parmi des amis. Je profitai de la bonne volonté dé ces gens, je recueillis tous les renseignemens possibles sur les Mamelouks; puis continuant mon chemin, je remontai le Nil, et mouillai la nuit en face de Chebreiki, village situé au bord du Nil, où etoient réunis les Mamelouks, et où eut lieu la première affaire.

J'envoyai la nuit mon rapport au Général en Chef, et lui communiquai tout ce que j'avois pu recueillir súr les Mamelouk's.

Le lendemain à la pointe du jour, je monte sur le mât de ma canonnière, et découvre six chaloupes Turques qui marchoient sur moi; au même moment m'arrivoit une demi-galère de renfort. Je m'embosse contre ces bâtiments, et à quatre heures et demi, commença entre les deux petites flotilles une canonnade qui dura cinq heures de tems, malgré la supériorité de l'ennemi. Je tins bon. Cependant il s'avança sur moi, et je perdis pendant un instant la demi-galère et une canonnière; mais il ne s'agissoit pas de se rendre, il falloit vaincre. Pendant ces momens d'incertitude notre armée avançoit, et je fus dégagé. Une canonnière Turque sautà en l'air.

Ainsi se passoit notre combat de flotilles, lorsque les Mamelouks s'avançant sur notre armée, rodèrent autour d'elle sans pouvoir l'entamer, sans pouvoir même faire la moindre attaque sur elle. Il est à présumer, qu'étonnés de l'ordre qu'ils virent que présentoient nos colonnes,

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